La nouvelle Assemblée ne peut être dissoute avant l’an prochain mais il ne faudrait pas entretemps qu’elle devienne le théâtre de moeurs dissolues. Entendons par là le bourrage d’urnes, l’impolitesse à tous les étages, la grossièreté et le débraillé vestimentaire. Les premiers jours d’existence de la représentation issue des urnes ont envoyés quelques signaux d’alarme à ce sujet. Ne confondons pas, cependant, la fraude et le manque de tenue avec le calcul et l’indignation sélective, caractéristiques de la vie parlementaire de toujours. Mme Yaël Braun-Pivet, les vice-présidents et les membres du bureau ont été régulièrement élus moyennant des arrangements somme toute assez classiques. La question en l’occurrence s’avère moins morale que politique. Etait-il très habile de priver le Rassemblement national des postes susceptibles de lui être dévolus par simple application d’une représentation proportionnelle des groupes ? On s’en rendra vite compte au fil de la mandature.
L’hémicycle ne saurait apparaître comme le temple de toutes les vertus. Comment pourrait-il l’être alors que les députés émanent d’une société étreinte par le syndrome TPMP, autrement dit « tout pour ma pomme ». « Qu’il s’agisse des hommes ou des formations politiques, écrivait cette semaine dans « L’Express » le constitutionnaliste Denys de Béchillon, chacun se consacre à ses petites affaires, recherche son bénéfice bien compris, cultive ses ambitions, rêve éveillé, se livre à ses calculs, donne droit à sa perversité, à ses haines, à sa colère… »
Il serait facile de tirer l’échelle en se disant que les Français ont la vie politique qu’ils méritent. Mais c’est en réalité impossible. Au fond du plus cynique des représentants du peuple surnage l’idée qu’il est de son propre intérêt de se montrer peu ou prou gardien du destin collectif de la Nation. D’où le rôle irremplaçable de l’Assemblée et du Sénat, dont le fonctionnement est très encadré par la Constitution et leurs propres règlements.
Quand le sommet de l’exécutif devient impopulaire et impuissant, le législatif longtemps bridé peut s’émanciper pour défendre l’essentiel de l’idéal démocratique. Pas besoin de hurler au retour de la IVème République ou d’appeler l’avènement de la VIème. Dès les débuts de la Vème, les meilleurs juristes avaient relevé que notre Constitution présentait la possibilité de deux lectures : la « présidentielle » avec un pouvoir élyséen fort ou la « parlementaire » avec des députés et sénateurs soucieux d’exercer l’ensemble de leurs prérogatives.
L’actualité agitée de ces dernières semaines ouvrirait de réelles opportunités à cette « lecture parlementaire ». Le conditionnel reste pourtant de rigueur.
En théorie, Emmanuel Macron, ne pourrait pas s’opposer à la nomination d’un Premier ministre dont le nom serait proposé par une majorité certes de circonstance mais soucieuse de poser un acte positif et d’intérêt général. Faute sans doute de femmes et d’hommes de réelle envergure, les temps ne semblent cependant pas mûrs pour autre chose que les petites ententes contre le Rassemblement national. Une ambition peut-être salutaire mais en tous cas très limitée.