Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, une conférence informelle des ministres européens chargés de l’économie sociale a été organisée à Paris le 17 février dernier.
L’enjeu est de mobiliser les acteurs de l’économie sociale européenne dans la mise en œuvre du Plan d’action européen pour l’économie sociale, publié le 9 décembre 2021 par la Commission européenne. « La priorité sera également d’attendre de la présidence française de l’UE qu’elle pousse ce Plan au premier semestre 2022 et remonte l’ESS dans l’agenda européen. » Tel était le vœu d’Hugues Sibille, président du think tank « le Labo de l’ESS ».
La conférence réunit le commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Insertion, Monsieur Nicolas Schmit et Madame Olivia Grégoire, secrétaire d’État à l’Économie sociale, solidaire et responsable, qui échangent avec les entrepreneurs sociaux sur ce premier plan d’action. Dans un deuxième temps, ce sont les ministres concernés dans les différents États membres qui se retrouvent à Paris afin de discuter des meilleures pratiques et des solutions concrètes pour promouvoir et développer l’économie sociale au sein du marché intérieur.
L’économie sociale et solidaire en France
En France, l’« économie sociale et solidaire » (ESS) est structurée – et par là même définie – par la Loi Hamon du 31 juillet 2014, qui englobe les activités commerciales, au-delà des protagonistes traditionnels que sont les mutuelles, coopératives, associations et fondations. Pour peu qu’elles satisfassent aux conditions suivantes : leur fonctionnement interne et leurs activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale, elles adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Ces entités sont toujours privées, ce qui ne les empêchent pas de bénéficier de financements publics.
Les acteurs de l’ESS, tels que définis par la loi française, agissent ainsi en faveur des personnes en situation de fragilité, notamment en matière de santé. Ils se mobilisent en faveur de l’égalité, de l’inclusion, de l’éducation à la citoyenneté, du lien social et de la cohésion territoriale. Ils concourent au développement durable, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale.
L’économie sociale en Europe
Les institutions européennes n’ont quant à elles pas statué sur une définition de « l’économie sociale » – ainsi désignée par le Comité Economique et Social Européen – en raison de la disparité des approches au sein des différents Etats-membres. La Charte des principes de l’économie sociale de l’association Social Economy Europe brosse cependant les traits d’entreprises centrées sur le service de l’intérêt général tout en étant indépendantes des pouvoirs publics, avec des objectifs de solidarité et de développement durable qui priment absolument sur le capital, enfin, le plus souvent, sur une gestion autonome et démocratique.
La Commission européenne s’est montrée pionnière sur le sujet, à travers nombre de mesures – à commencer par la création d’une unité « économie sociale » en son sein dès 1989. Le Plan d’action européen pour l’économie sociale est l’aboutissement d’un patient processus visant à donner davantage de visibilité à l’économie sociale et à faciliter son financement en faisant converger les politiques des différents Etats-membres.
Le Plan d’action de la Commission européenne
S’appuyant sur la Social Business Initiative lancée par la Commission dès 2011, le plan d’action est le résultat d’une vaste consultation des citoyens et des parties prenantes. Son objectif : encourager l’essor de l’économie sociale européenne. Ses propositions : créer un cadre juridique favorable, faciliter l’accès au financement, promouvoir l’économie sociale.
Des exemples ? – Une recommandation du Conseil européen dès 2023 pour aider les Etats-membres à tenir compte des entreprises sociales dans leur cadre réglementaire et fiscal ; un portail unique rassemblant toutes les informations au sujet des aides publiques ; des produits financiers dédiés ; une « Youth Entrepreneurship Policy Academy » à destination des jeunes entrepreneurs ; un centre européen de compétences pour l’innovation sociale, facilitant les partenariats et les échanges transnationaux, une initiative « Acheter local »…
En même temps qu’elle finalise son plan d’action, la Commission lance un « parcours de transition » destiné à faciliter la transition écologique et numérique de l’économie sociale, dans un dialogue avec les pouvoirs publics et les parties intéressées. A cette fin une enquête est ouverte aux citoyens jusqu’au 28 février 2022.
L’ESS, c’est tout bénéfice pour les finances publiques
Dans un rapport financé par la Commission européenne, l’OCDE constate que les entreprises sociales concourent pour une bonne part à réduire les dépenses publiques et à augmenter les recettes fiscales. Dans certains domaines, elles s’avèrent plus efficaces que les organismes publics et privés grâce à leur connaissance du terrain, à leur ancrage local. « L’entreprise sociale n’est pas la panacée aux défis sociaux et économiques actuels. Cependant, elle contribue largement à les relever. » D’où le bien-fondé d’une politique volontariste en faveur d’un écosystème qui lui soit bénéfique, d’autant plus face à la tension suscitée par sa double injonction économique et sociale.
- Evolutions récentes de l’économie sociale dans l’Union européenne, étude du Comité Economique et Social Européen, 2017.
- Déclaration finale commune des organisations européennes de l’économie sociale, CEP-CMAF, 2002 (Conference of Cooperatives, Mutual Societies, Associations and Foundations).
- L’initiative pour l’entrepreneuriat social
- Synthèse sur l’entrepreneuriat social, l’activité entrepreneuriale en Europe, 2013.
- Synthèse sur l’entrepreneuriat social, l’activité entrepreneuriale en Europe, 2013.