Bras de fer
Les 27 membres de l’Union européenne ont validé en octobre le lancement d’une vaste recapitalisation des banques européennes, chiffrée à 106 milliards d’euros. Sommées de renforcer leur ratio de fonds propres pour le porter à 9 % d’ici à juillet 2012, les établissements financiers affirment pouvoir y parvenir par elles-mêmes. Leur recapitalisation “sera complètement gérable grâce à nos résultats”, a assuré Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale et président de la Fédération bancaire française (FBF) sur Europe 1. Et en cas de besoin, “on pourrait faire appel à nos actionnaires. En tout cas, nous ne demandons pas d’argent public”, a-t-il ajouté. Mais le politique craint que les banques ferment les robinets du crédit pour renforcer leurs fonds propres. “Dans les efforts de recapitalisation, nous voulons nous assurer qu’il n’y ait pas de réduction de voilure trop massive et soudaine”, a affirmé Michel Barnier, le commissaire européen chargé du Marché intérieur. Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international, a de son côté mis en garde contre le risque de credit squeeze (resserrement de crédit) en Europe. Des craintes confortées par les déclarations de Monsieur Oudéa : “La priorité, c’est effectivement de garder nos résultats dans la banque et de continuer comme des écureuils à accumuler ces noisettes”. Réplique des Etats-membres : il a été convenu d’interdire le versement de dividendes et de bonus dans les établissements en cours de recapitalisation. Un texte en ce sens devrait bientôt être proposé par Michel Barnier.
Relancer la machine
Les banques peuvent-elles à la fois se renforcer et jouer leur rôle dans l’économie ? Ou faut-il les renflouer une nouvelle fois ? L’avenir nous dira qui des banques ou du politique avait raison. Une chose est certaine : difficile dans ces conditions de relancer l’activité économique. Pour faire repartir la machine et entrer dans un cercle vertueux il faut injecter des liquidités. Mais les Petites et moyennes entreprises (PME) ont de plus en plus de difficultés à obtenir des prêts et doivent compter sur les pouvoirs publics pour tenir le coup. Selon une étude menée conjointement par le cabinet KPMG et la Confédération générale des petites et moyennes entre- prises, 30 % des patrons estiment que la situation économique restreint leur accès au crédit (contre 20 % au mois de mai dernier). Le gouvernement a déjà mis en œuvre un plan de relance qui, s’il a “atténué les effets de la crise”, a eu un impact très limité (0,5 % du PIB sur 2009 et 2010) à en croire Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Et l’heure est désormais à la rigueur budgétaire. Quant aux collectivités locales, porteuses de 71 % de l’investissement public, “elles font face à une diminution du nombre de réponses à leurs appels d’offres de prêts et à un renchérissement des marges bancaires”, a déclaré Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France. Dans ce contexte, patrons et responsables politiques attendent des banques qu’elles desserrent les conditions d’accès au crédit pour les entreprises afin de ne pas freiner l’investissement.
Et si finalement la crise était la fin d’un cycle et le début d’un autre pour le capitalisme ? C’est le pari que fait dans Le Monde, l’économiste Hubert de La Bruslerie. Pour ce professeur à l’Université Paris-Dauphine, “le financement par crédit peut demain être organisé plus directement hors banque : par l’Éttat ou avec sa garantie, par des plates-formes électroniques, par mutualisation, par levée de fonds”. “Un nouveau capitalisme se dessine” affirme-t-il, “moins financier et plus entrepreneurial, moins bancaire et plus avare de dettes”.
Par Louis Le Bris