François Hollande et Jean-Marc Ayrault réclamaient “une majorité large, solide et cohérente”, ils l’ont obtenu. Avec 294 députés si l’on ajoute les Chevènementistes et les Radicaux de gauche, le pari est gagné. Et la logique de la Ve République respectée. Selon une logique purement arithmétique, le gouvernement peut donc mener sa politique sans consulter les élus écologistes et communistes.
Il serait pourtant mal inspiré d’agir de la sorte. Bien que l’Assemblée nationale ait le dernier mot en cas de désaccord, le Sénat n’en reste pas moins un rouage essentiel du travail législatif. Or le PS n’y est majoritaire que grâce à l’apport des voix d’Europe Écologie-Les Verts, du PRG et du Parti communiste. S’il entend respecter sa promesse d’une nouvelle gouvernance et s’épargner des passes d’armes avec ses alliés sur les textes décisifs, le gouvernement devra composer avec les autres forces de gauche. D’autant plus qu’il faudra désormais affronter les élections locales en tant que majorité présidentielle. Les socialistes auraient tout à perdre à faire cavalier seul et faire de leurs alliés naturels des concurrents pour les échéances électorales à venir.
Car le paysage évolue à gauche. Si la présidentielle ne leur a pas réussi, les Verts ont finalement obtenu leur groupe parlementaire. Leurs scores aux élections intermédiaires étant traditionnellement plus élevés, ils peuvent être tentés de se désolidariser du gouvernement pour jouer la carte locale. Et ce d’autant plus qu’ils ne risquent pas de faire tomber un gouvernement de gauche en agissant de la sorte puisque le PS seul est déjà majoritaire. Quant au Front de Gauche, sa dynamique aurait sans doute été tout autre si Jean-Luc Mélenchon avait été élu député, mais les communistes gardent en mémoire le bon score réalisé à la présidentielle et croient de nouveau à l’existence d’un chemin à la gauche du PS. Ils prendront sans doute à coeur leur rôle de “conscience de gauche”.
Grand stratège, François Hollande sait que des rapports apaisés au sein de la gauche sont une condition sine qua non à sa future réélection. En 2002, chaque parti avait joué sa propre partition et ainsi divisé la gauche avec le résultat que l’on sait. Aujourd’hui chef d’orchestre, le président de la République doit s’assurer que toutes les composantes de la majorité puissent s’exprimer, sans pour autant altérer l’harmonie de l’action gouvernementale.