En 2007, l’habile campagne de Nicolas Sarkozy – fondée à la fois sur “la rupture” avec l’immobilisme et un large rassemblement – avait permis aux gaullistes et aux centristes d’éviter l’alternance et de garder leur majorité parlementaire. Cela ne s’était pas produit depuis 1978 et la fin des “trente glorieuses”. L’exception confirmant la règle, la France a renoué ces dernières semaines avec la loi non écrite voulant que les majorités sortantes ne soient pas reconduites. Il en fut ainsi en 1981, 1988, 1993, 1997 et 2002. Ce constat relativise la dimension idéologique susceptible d’être accordée aux succès et échecs électoraux. Le désir de voir les choses aller mieux en renouvelant le personnel politique prédomine chez nos compatriotes. Le slogan de campagne de François Hollande (“le changement, c’est maintenant”) coïncidait donc particulièrement bien avec cette aspiration. L’alternance de 2012 ne saurait se résumer au simple rejet de la personne de Nicolas Sarkozy ou à un soudain élargissement de l’électorat de gauche. Le score final du président sortant a été supérieur à celui de Ségolène Royal en 2007. En tentant de coaliser sur sa personne toutes les intentions de vote en faveur de la droite, au prétexte qu’elles étaient supérieures à celles qui se manifestaient au bénéfice de la gauche, il a manqué cependant sa réélection à cause d’un mauvais choix stratégique. On peut imputer – et beaucoup ne se privent pas de le faire – le caractère très marqué à droite de sa campagne à la vraie nature de ses convictions. Mais comment expliquer, dans ces conditions, pourquoi il avait été capable de citer Jaurès et bien d’autres avec des trémolos dans la voix cinq ans plus tôt ? Sincère ou non, c’est à ce moment-là qu’il avait eu la bonne intuition. Le roman national est un bloc – selon l’expression utilisée par Clémenceau à propos de la Révolution française – et les Français aiment que leurs monarques républicains, qu’il viennent de la droite ou de la gauche, en reprennent toutes les pages à leur compte.
François Hollande ne devra pas oublier cette obligation de cohésion nationale. Il sera aidé sur ce plan par les majorités parlementaires issues des urnes, en octobre dernier au Sénat et en juin à l’Assemblée. Elles se composent d’élus plus animés par la culture dite de “la gauche de gouvernement” que par celle de l’intransigeance doctrinale. Quant à l’opposition, elle peut dès maintenant se mettre en ordre de marche en vue de profiter de la prochaine alternance, au rythme désormais accéléré par le quinquennat et sa concordance avec la durée de la législature. Que l’on soit au pouvoir ou non, le calendrier reste le même pour tout le monde. Cinq ans, cela passe très vite.