Parfois, la France prend l’apparence d’une île du fait de l’originalité de sa vie publique. Les particularités du débat politique en son sein semblent l’isoler du reste du monde. On voit un simple remaniement consommer autant de temps qu’une crise ministérielle en réclame au-delà de nos frontières. Sans pour autant s’achever chez nous par la moindre déclaration de politique générale devant les élus…On assiste à l’étonnant spectacle sur toutes les chaînes d’information d’un ex- ministre et ancien sénateur de 67 ans invectivant le pouvoir exécutif, la magistrature et la profession journalistique en raison des poursuites judiciaires le visant et des commentaires accompagnant la révélation de celles-ci.
Imaginons la perplexité des étrangers aimant la France et ne pouvant que contempler, navrés, la colère exagérée de cet homme mûr. Si l’on peut comprendre qu’il ait été rendu furieux par la publicité accordée à sa vie privée, chacun comprendra vite qu’il ne sera pas forcément bénéfique à l’intéressé d’associer ressentiment personnel et rhétorique anti-système. Les soucis un peu dérisoires de Jean-Luc Mélenchon risquent aussi de beaucoup compliquer la tâche de ses partisans, notamment àl’occasion de la campagne des élections européennes. Ceux-ci cultiveraient d’ailleurs beaucoup d’illusions en espérant le succès d’un programme strictement dialectique qui prônerait la remise en cause radicale non seulement de l’économie capitaliste mais encore des lois et coutumes permettant ànotre démocratie de fonctionner vaille que vaille…
Comme nombre de nos voisins, beaucoup de nos concitoyens restent très sceptiques quant à l’efficacité – notamment sur la question des migrants – des institutions bruxelloises, mais ils n’en sont pas venus pour autant àrêver d’un continent balkanisé. Ils ne souhaitent pas l’instauration de régimes autarciques et autoritaires régnant à l’abri de murs prétendus infranchissables. C’est la raison pour laquelle il faut faire attention aux assauts de démagogie d’où qu’ils viennent et, plus que jamais, ne pas prêter l’oreille aux adeptes des mouvements de menton et des discours intolérants. On peut être patriote sans être nationaliste, attaché à la construction communautaire sans tomber dans l’eurolâtrie, républicain sans prêcher le robespierrisme. Pour cela, il faut méditer les leçons de l’histoire et regarder le monde tel qu’il l’est. Est-il acceptable que plusieurs apprentis sorciers en politique s’en prennent – car Jean-Luc Mélenchon n’est pas le seul à jouer à ce petit jeu, loin de là, par de multiples façons à la liberté de la presse ? Après le lobbying intense ayant abouti à des textes renforçant« le secret des affaires » afin d’empêcher de dénoncer les entreprises qui fraudent, voici qu’en toute méconnaissance de cause d’aucuns veulent limiter l’information sur les arrestations et les mises en examen, comme au bon temps de la Russie soviétique. Autrement dit, instaurer le droit d’emprisonner en silence. De telles propositions fusent alors même qu’un opposant saoudien a connu un sort épouvantable pour s’être seulement présenté à la porte du consulat de son pays en Turquie ! Et que l’on est sans nouvelles du directeur général d’Interpol qui aurait déplu à certains dirigeants de son pays d’origine, la Chine !
Dans bien des régions du monde, les flux migratoires, les attentats, les enlèvements, les bombardements, les affrontements armés et les catastrophes écologiques illustrent plus que jamais de la folie des hommes. Notre pays ne peut pas s’abstraire de cette réalité. Si les descendants de Voltaire, Montesquieu, Victor Hugo et Emile Zola n’inspirent plus le goût de la vérité comme l’exemple de la sagesse, qui donc le fera ?
Crédit de l’image à la Une : © Vernier/JBV NEWS