Les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR) ont publié mercredi 22 février un rapport d’étape concernant les processus de désembrigadement en cours dans l’Hexagone. Elles pointent l’échec cuisant du seul centre de déradicalisation actuellement en fonctionnement, et citent la prévention comme l’alternative la plus plausible.
Un « fiasco complet », une « gabegie financière », des « organismes sans savoir-faire »… La mission sénatoriale rapportée par Catherine Troendlé et Esther Benbassa a dressé un sombre portrait, teinté d’amateurisme, du centre de déradicalisation installé à Pontourny (Indre-et-Loire) depuis seulement six mois.
Le bâtiment est aujourd’hui vide d’occupant. Lorsque les sénatrices s’y sont rendues le 3 février, elles ont rencontré le seul pensionnaire des lieux, aujourd’hui parti. Il « errait » entre les murs, « pas franchement dans un état d’esprit positif » raconte Mme Troendlé. Sur une capacité de 25 places, le centre a connu son pic d’activité lors de son ouverture, avec neuf personnes inclues au dispositif.
Un « centre aéré »
La belle bâtisse arborée, posée au milieu de la campagne, confinait au « centre aéré » pour Catherine Troendlé. Esther Benbassa regrette quant à elle le « déracinement inutile » que l’isolement de Pontourny faisait vivre aux pensionnaires. Son fonctionnement aura pourtant couté 2,5 millions d’euros, pour « zéro résultat » selon le Président de la Commission des lois Philippe Bas (LR). Le centre de Pontourny devait être le premier des treize prévus à travers toute la France, une démultiplication aujourd’hui avortée.
Quant aux personnes choisies pour suivre le programme, ils devaient répondre à deux critères cumulatifs : être volontaires et ne pas présenter de signes de dangerosité. Une équation quasi impossible. Les pensionnaires ayant la possibilité de rentrer chez eux le week-end ne revenaient parfois plus jamais. Il était aussi difficile d’appréhender le niveau de risque qu’ils représentaient pour autrui. Le 20 janvier 2016 est écroué un des occupants du centre de Pontourny, pour avoir tenté de se rendre en Syrie. Ayant déjà fait partie d’une filière djihadiste à Strasbourg, le jeune homme n’avait pas le casier judiciaire vierge attendu pour un participant au programme.
« N’importe quel gouvernement aurait fait les mêmes erreurs »
Outre la structure, Esther Benbassa déplore l’échec du concept. Une formation de dix mois serait bien trop courte pour réussir à déconstruire une idéologie inoculée dans un esprit. Elle exhorte donc de développer en priorité le volet préventif : « Le désembrigadement semble hors de portée, mais la prévention est possible ». Multiplier les actions de sensibilisation sur internet, autour des mosquées, dans les prisons et auprès des familles en serait l’objectif.
Philippe Bas souligne quant à lui la « réflexion insuffisante des pouvoirs publics » et l’empressement dans lequel la structure a été mise en place, ouverte en septembre 2016 à la suite de la vague d’attentats qui a endeuillé la France. Mme Benbassa ne jette pourtant pas la pierre aux instigateurs du projet : « N’importe quel gouvernement aurait fait les mêmes erreurs, dans ce contexte d’inexpérience et de manque de temps ».
Le choix de mauvais interlocuteurs a aussi été montré du doigt. Notamment certaines associations très intéressées par la manne des subventions mises à disposition. La parlementaire EELV cite ces présidents d’association « coachs en ligne » ou projetant de « faire des gâteaux » pour aider au désendoctrinement. « Tout le monde pouvait s’ériger en ‘‘déradicalisateur’’ ! » soupire-t-elle. Pour pallier cet écueil, « il est urgent de mettre en place un cahier des charges national pour le recrutement et l’appel d’offres des associations subventionnées » affirme sa collègue des Républicains. Quant aux recommandations définitives, elles seront disponibles en juillet 2017.
Image en Une : © Sénat.