Le projet de canal Seine-Nord Europe, entre l’Oise et le canal Dunkerque Escaut, est porteur d’un renouveau du transport fluvial. Il devrait permettre d’améliorer la compétitivité des entreprises, de soutenir le développement de l’hinterland des ports français, et d’ancrer la politique de transport dans le développement durable.
Vous avez été nommé par le ministre des Transports Frédéric Cuvillier pour mener à bien le canal Seine-Nord. Pouvez-vous nous parler de ce projet ?
Le projet Seine-Nord Europe prévoit la réalisation d’un canal à grand gabarit, long d’environ 100 km, entre l’Oise (Compiègne) et le canal Dunkerque-Escaut (Cambrai). Il intègre la réalisation de plates-formes trimodales (ports fluviaux) afin de développer des activités logistiques et industrielles. Ce programme est extrêmement important, en termes de stratégie de développement économique. Il s’inscrit dans une perspective de connexion entre les territoires sur les grands ports du Nord. C’est un chantier qui représente la création de 15 000 emplois pendant la construction et, dans un second temps, 50 000 emplois directs. Ce programme a été lancé en 2004 mais a subi plusieurs échecs, à tel point qu’il a failli être enterré. Les financements ont été prévus pour un projet annoncé par le précédent gouvernement à 4,4 milliards d’euros, mais dès l’automne 2011, il est apparu que ce dernier atteindrait 7 milliards d’euros. Une impasse financière de 1,5 à 2 milliards d’euros à laquelle ni les finances publiques ni les partenaires privés ne sont en mesure de faire face. Il était donc nécessaire de présenter un nouveau plan plus viable.
Quelles sont donc vos missions ?
Le ministre m’a donc confié la missionde reconfiguration du projet. Avec trois axes :
– optimiser le coût grâce à une étude technique,
– accorder les intérêts économiques entre les acteurs concernés,
– faire en sorte que le dossier soit prêt au premier semestre 2014 pour être déposé à la Commission européenne dans l’objectif de bénéficier de financements européens au taux maximum sur la période 2014- 2020.
La mission s’articule autour d’un comité de pilotage, pour la reconfiguration technique du projet, et d’un comité des partenaires, réunissant les représentants des collectivités territoriales concernées. Une réunion doit avoir lieu vers la fin du mois de juin 2013 pour un point d’étape. Les premières propositions sont attendues pour lafin de l’année 2013.
Le projet semblait presque être enterré…à quelles difficultés doit-il faire face ?
Il faut que nous mettions en place des plateformes de connexion avec le canal, portées par les collectivités locales, pour créer les conditions de l’intermobilité. Nous devons également être vigilants sur l’utilisation du canal, dont il faut bien mesurer la progression. L’objectif est de reconfigurer le projet au regard de son utilisation et de son intérêt. J’ai pris contact avec des secteurs économiques et je crois que c’est sur ce terrain qu’il y aura un travail plus précis à porter. Il faut reconfigurer le projet au regard de son utilisation et de son utilité. En matière de fret, il intéressera l’ensemble des acteurs économiques sur le plan agroalimentaire, des minerais, etc. Selon moi, ce canal intéressera aussi le port de Dunkerque, qui est directement lié. Par ailleurs, pour le programme de relance que porte François Hollande, nous avons ici une stratégie en or puisqu’elle créé de l’emploi et remplit les critères écologiques et européens.
Parmi vos consignes, vous devrez réduire les coûts sans impacter la qualité de la voie fluviale : cet objectif est-il viable ?
Nous avons des analyses ou des sentiments très contradictoires. Effectivement, l’impact sur le territoire reste important. L’enquête d’utilité publique a étudié cet aspect qu’elle a ensuite validé. Elle a donc été intégrée dans notre démarche. Mais peut-être faut-il aller plus loin. J’écouterai les différentes sensibilités politiques, les remarques, mais il est important de bien noter que c’est aussi le problème du développement durable : s’agit-il de ne plus rien entreprendre ou de faire en sorte que l’impact soit le plus intéressant pour l’environnement ? Nous ne pouvons pas défendre les énergies renouvelables, protéger notre planète et accepter les camions permanents qui défilent dans la Région.
La Belgique est-elle impliquée dans le projet ?
Les Belges sont déjà impliqués, puisqu’il y a un comité de liaison mis en place avec le gouvernement. Le groupement d’intérêt économique s’est déjà réuni à plusieurs reprises. Une commission intergouvernementale fonctionne également, depuis 2009. Les Pays-Bas sont aussi impliqués. Les instances existent. Il faut désormais que chacun prenne sa part de responsabilité, de financement et de portage au niveau européen.
Quelle sera la part du financement européen dans ce projet ?
Notre objectif est d’atteindre 30 % d’aide européenne. Pour cela, il faut que le projet soit irréversible. Il a déjà été reconnu et validé par l’Europe mais à une hauteur de 6 %, ce qui est largement insuffisant. Chaque partie doit donc s’impliquer pour atteindre le niveau requis.