Après trois conflits est paradoxalement né un partenariat unique au monde. L’amitié franco-allemande est désormais un fait politique acquis et l’un des piliers de l’Union européenne, première puissance économique de la planète. Si la tentation d’aller voir ailleurs, par exemple en se tournant vers Londres, s’est parfois fait sentir, la crise a finalement renforcé les liens entre Berlin et Paris.
Pourtant, seulement 15 % des lycéens français étudient l’allemand, alors que l’espagnol attire 44 % des effectifs et que 25 % des élèves allemands apprennent notre langue. Plus problématique, l’an dernier, 20 % des postes au Capes n’ont pas pu être pourvus : seuls 184 candidats ont été admis pour les 250 postes offerts. Le nombre d’étudiant inscrits au CAPES a chuté de 50 % entre 2004 et 2012.
Un fondamental de la relation franco-allemande
On ne peut pas pour autant parler de désamour. Les nombreux dispositifs créés pour encourager l’apprentissage de la langue de Goethe (sections bilingues, échanges collectifs et individuels, abibac) portent leurs fruits. Ainsi, de la maternelle au lycée, près de 25 000 élèves suivent un cursus bilingue, soit trois fois plus qu’au début des années 2000.
Mais l’allemand souffre de la comparaison avec l’espagnol. Elle traine une image de langue compliquée qui décourage son apprentissage. D’autant plus que la plupart des Allemands parle (très bien) l’anglais. L’espagnol au contraire, parait beaucoup plus simple, et ouvre une porte d’accès aux pays d’Amérique latine. Vu sous cet angle, le choix est évident pour les écoliers. Dommage à l’heure où les liens franco-allemands « doivent être renforcés et la pratique du « vivre ensemble » est la clé de ce développement » explique la députée Estelle Grelier, vice-présidente socialiste du groupe d’amitié France-Allemagne. « Cette relation doit être rafraichie à travers des choses très simples comme l’apprentissage de la langue allemande en France, alors que l’enseignement a été complètement laissé de côté ces derniers temps, par exemple » déclarait-elle récemment à l’Express.
Une opportunité en période de crise
Au-delà du cadre pédagogique et culturel, c’est en matière d’emploi que l’on regrette le manque de germanophones. Chaque année, plusieurs milliers de postes ne sont pas pourvus faute de locuteurs parlant les deux langues. Outre-Rhin, les entreprises peinent à recruter. À tel point, que le Land du Bade-Wurtemberg a lancé un appel aux jeunes alsaciens pour qu’ils apprennent l’allemand afin de pouvoir entrer en apprentissage dans les entreprises de la région. « En Alsace le nombre « de travailleurs transfrontaliers » a baissé de 18,6% en dix ans, alors que simultanément les offres d’emplois non pourvus chez nos deux voisins on quasiment doublés » regrette Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg.
L’association DeutschMobil qui promeut l’apprentissage de l’allemand, relève que si la langue de Shakespeare est la plus utilisée pour les affaires commerciales (45 %), elle est directement suivie de la langue de Goethe qui sert à 30 % des échanges. Cela n’a pas échappé aux pays l’ex-URSS où l’allemand est la langue étrangère la plus enseignée depuis 2004. « Ce déséquilibre a essentiellement profité aux populations venant de l’Europe de l’Est » confirme l’édile strasbourgeois, « alors que les Alsaciens bilingues bénéficient d’une large préférence auprès des employeurs allemands ».