Avec une hausse de 6,8 % de son chiffre d’affaires en 2011, l’agroalimentaire ne connait pas la
crise ?
2011 a effectivement été une année satisfaisante pour l’industrie agroalimentaire française, mais force est de constater qu’une partie de cette progression est liée à la hausse de nos coûts en amont. La forte progression des cours des grandes matières premières en 2011 ont de fait “dopé” l’activité en valeur. Nous notons toutefois avec satisfaction une progression de 1,5 % des volumes de vente, liée à la stabilité de notre marché domestique et à une bonne tenue de nos exportations. Mais, il est difficile d’affirmer que nous échappons à la crise : comme dans tant d’autres secteurs, les industriels de l’agroalimentaire pâtissent d’un manque de visibilité et souffrent de la hausse de leurs coûts qui pèse lourdement sur leurs marges.
Premier secteur industriel français, l’agroalimentaire a réussi à maintenir ses effectifs contrairement à d’autres filières industrielles…
Effectivement, nous avons réussi à sauvegarder et à pérenniser nos 500 000 emplois. Il faut savoir que l’agroalimentaire est une industrie massivement implantée en zone rurale, ce qui représente un véritable enjeu en termes de maillage et d’équilibre du territoire. C’est cet arrimage puissant qui explique que les entreprises continuent de créer des emplois en France plutôt que de chercher à baisser les coûts par tous les moyens notamment en délocalisant les usines.
Quelles sont les perspectives de croissance de votre filière ?
L’agroalimentaire ne saurait constituer un îlot de prospérité face à la dégradation des perspectives économiques en France et plus globalement en Europe. Dans un contexte de fragilité extrême de la consommation des ménages, nous serions déjà satisfaits d’une stabilité des volumes de ventes. Pour ce qui est de l’activité en valeur, tout va dépendre de l’évolution des cours des matières premières en amont.
À cette incertitude économique s’ajoutent des attaques médiatiques quotidiennes et des menaces de taxes en tout genre. Toutes ces manœuvres sont peu favorables au développement de nos entreprises. Nous attendons du nouveau gouvernement un signal fort. L’agroalimentaire est un enjeu stratégique pour la France qu’il convient de sauvegarder en garantissant notamment notre souveraineté et notre indépendance, que ce soit en termes de quantité, de qualité ou de ressources. Notre industrie ne pourra continuer à exister que si nous l’y aidons collectivement.
La taxe soda a marqué les esprits, pour quelles raisons à votre avis ?
La taxe sur les boissons avec sucres ajoutés ou édulcorant a été annoncée, fin août 2011, par François Fillon dans le cadre du plan de rigueur du gouvernement. Si, dès le départ nous avons fait savoir aux pouvoirs publics que nous acceptions de jouer le jeu de la solidarité et de contribuer à combler la dette publique du pays, nous ne pouvions pas accepter les arguments avancés.
En effet, le gouvernement a tenté de motiver sa décision de taxer certains produits par des arguments nutritionnels ne reposant sur aucun fondement scientifique. Or, taxer ces produits reviendrait à dire qu’ils sont nocifs pour la santé, alors que la France est soumise à la règlementation la plus stricte d’Europe en matière de sécurité sanitaire. Nous ne pouvons tolérer que nos produits soient comparés au tabac ou à la drogue !
Il n’y a pas de bons ou de mauvais produits mais seulement de bons ou de mauvais comportements alimentaires. Cet argument nutritionnel est d’autant plus inacceptable que nos entreprises s’impliquent, aux côtés des pouvoirs publics, pour une meilleure prise en compte des préoccupations de nutrition et de lutte contre l’obésité. Nous n’avons donc eu de cesse de combattre cet argument et nous nous félicitons de la décision du Conseil constitutionnel de qualifier cette mesure de “taxe de rendement” et non de “taxe comportementale”.