Le 5 avril au Palais du Luxembourg, les Sénateurs Michel Amiel et Alain Milon ont présenté leur rapport visant à dresser un panorama de la prise en charge psychiatrique des enfants et des adolescents. Ils proposent 52 préconisations pour améliorer la situation.
Plus de 50 % des pathologies psychiatriques de l’adulte apparaissent avant seize ans : les chiffres de l’OMS corroborent ainsi la nécessité de rénover la psychiatrie des mineurs pour plus de moyens et de reconnaissances. « Sauver la pédopsychiatrie » est l’objectif de cette mission, appuyé par les propos du Professeur David Cohen[1] qui parle de « tiers monde de la République ».
Ce rapport a pu être élaboré grâce à l’intervention de nombreux interlocuteurs du médical, du médico-social et de l’éducatif. En effet, pour le Professeur Jean-Luc Dubois-Randé[2], le pédopsychiatre a besoin d’être entouré par un « écosystème » d’acteurs.
Le sénateur Michel Amiel souligne la difficulté de faire un distinguo entre la pathologie psychiatrique et la simple souffrance qui peut devenir chronique. Il interroge sur ce point le Professeur Marie-Rose Moro[3], qui explique : « lorsqu’on travaille avec les enfants et les adolescents, on ne peut pas faire le tri entre les cas les plus graves et les moins graves car il existe une continuité. Je comprends qu’il faille hiérarchiser mais il est préférable d’organiser un diagnostic et une prise en charge précoce ».
Prévenir, repérer et dépister : une mobilisation de tous les acteurs
D’après Michel Amiel, la difficulté première consiste à repérer le trouble psychiatrique chez l’enfant. Il insiste sur l’importance d’une véritable politique de prévention et de dépistage précoce. L’éducation nationale doit en ce sens être l’institution clé ! Bien que les enseignants soient déjà fortement sollicités, il juge indispensable de renforcer leur formation initiale et continue en psychologie de l’adolescence.
Tous les intervenants ont réclamé à l’unisson la revalorisation de la médecine scolaire afin de percevoir ces situations de souffrance. Dans cette optique, la mission souhaite la création d’un master d’infirmier spécialisé. En soutien, le rapport envisage la diffusion d’outils de repérage auprès des professionnels de première ligne, en particulier les psychologues et les infirmiers scolaires. Le texte préconise également un suivi lors de l’entrée dans l’enseignement supérieur grâce à une visite médicale permettant de faire un bilan de santé somatique et psychique, ainsi qu’une information sur l’accompagnement dont il peut bénéficier.
« Nous manquons de pédopsychiatres »
Aujourd’hui, la pédopsychiatrie ne constitue pas une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Marie-Rose Moro met pourtant en exergue la spécificité de cette branche : « les enfants ne sont pas des adultes en miniature. Ils ont leur développement propre, des besoins et des particularités ».
Le nombre de pédopsychiatres a été divisé par deux entre 2007 et 2016 selon le Conseil national de l’ordre des médecins. De quoi alarmer le Professeur Moro : « nous faisons globalement partie des pays où l’offre de soins en pédopsy est la plus faible du point de vue des praticiens ». Michel Amiel partage son inquiétude et dénonce la situation : « sans spécialistes, il n’y aura pas de résultats possibles ». Selon lui, la proposition la plus fondamentale est la mise en place d’un co-DES (diplôme d’étude spécialisé) de psychiatrie des adultes et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avec une régulation du nombre d’internes dans chacune des deux branches.
Une inégalité d’accès aux soins et un manque de moyens
Le rapport au Président de la République de novembre 2016 « Mission Bien-être et santé des jeunes »[4] montre que dix départements comptent aucun lit d’hospitalisation en psychiatrie infanto-juvénile, notamment la Martinique, Mayotte, La Manche, l’Eure, la Creuse, les Côtes-d’Armor et la Corrèze. Le Sénateur Amiel rappelle à ce titre que la fermeture de lits dans les années 60 a été trop loin et qu’il faut remédier à cette désinstitutionalisation. Il évoque en ce sens l’importance de l’accueil à l’hôpital avec des pédospsy qui exerceraient au sein des unités d’urgence. Michel Amiel constate par ailleurs des inégalités territoriales pour obtenir une consultation avec des délais plus ou moins longs selon les départements.
Le sénateur espère que ce rapport sera suivi des faits tout en reconnaissant que la formation des futurs spécialistes prendra du temps. Les attentes des professionnels sont énormes néanmoins les budgets ne suivent malheureusement pas. En faisant de la jeunesse une priorité de son mandat, le Président Hollande a affirmé avoir porté une attention particulière aux situations de vulnérabilité, reste au prochain gouvernement de poursuivre le travail.
[1] Chef du service du département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière ;
[2] Doyen de l’Université Paris Est ;
[3] Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ;
[4] Le rapport de Marie-Rose Moro, Professeur en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et de Monsieur Jean-Louis Brison, inspecteur d’Académie, inspecteur pédagogique régional ;