On ne se refait pas. Trois fois postulant à la magistrature suprême, François Bayrou s’est exprimé comme un candidat à l’élection présidentielle, lyrisme excepté. Le propos était ample et réconciliateur sur le fond, pas très attaché aux détails d’exécution, mais volontairement modeste et par moment maladroit à force d’être « vieille école » dans la forme. C’était l’énoncé tout en douceur d’un concept, la « promesse française », rappelant un peu la « nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas.
La phrase-clef, au demeurant, tenait en ces quelques mots : « il y en aura pour tout le monde ». C’est à propos du gouffre de la dette, son obsession, dont il situe l’apparition au début des années Mitterrand, que le Premier ministre a asséné cette réflexion en réponse aux protestations venues des bancs de gauche. De fait, il a confondu dans une même condamnation de l’insouciance financière tous les présidents successifs, de Jacques Chirac à François Hollande en passant bien entendu par Nicolas Sarkozy. Seul, évidemment, Emmanuel Macron a été épargné mais c’était tout juste.
Le thème « il y en aura pour tout le monde » pouvait s’appliquer aussi aux « cartes de visite » envoyées aux forces susceptibles de voter la censure : retour de la proportionnelle, de l’exercice conjoint de responsabilités locales et nationales (qu’il se garde bien d’appeler « cumul des mandats »), « conclave » sur les retraites avec les partenaires sociaux, banque de la démocratie, exhumation des « cahiers de doléances » de la période des gilets jaunes… Autant d’apparents compromis camouflant peut-être des pièges, y compris pour lui-même.
Nul ne niera cependant que François Bayrou aura su évoquer l’intérêt général avec sincérité. Son discours s’inscrira ainsi au registre des exercices de « parler vrai », style Antoine Pinay, Pierre Mendès-France ou Michel Rocard. Ce sont des références qui ne rajeunissent personne mais elles trahissent l’homme d’Etat plus que le technocrate. Il a même eu le culot de se présenter à un moment comme « néophyte dans le métier ». La malice paysanne sans doute ou, si l’on préfère, quelque chose comme la « méthode Columbo».