L’Histoire reconnaîtra un jour à François Bayrou le mérite d’avoir sacrifié sa propre ambition à l’intérêt général du pays. Quand l’extrême-droite est aux portes de l’Elysée, en effet, l’heure n’est plus à la gloriole personnelle. Ce bel exemple restera cependant trop isolé. Un vent de vanité souffle encore sur cette campagne présidentielle, suscitant un nombre anormal de petits candidats en dépit des primaires qui étaient censées canaliser les ambitions à droite comme à gauche.
De cette foire aux égos le maire de Pau a su se tenir à distance, lui qui – à l’occasion de trois précédentes tentatives – fut si souvent accusé de n’avoir que la présidentielle en tête. Avec sagesse, il a mesuré cette fois toute la fatuité des candidatures « publicitaires », plus destinées à se créer un fonds de commerce pour vivoter entre deux échéances électorales que pour servir les Français. Sans rien renier de son crédo centriste, François Bayrou a pris conscience aussi d’un fait patent qui, au départ, n’a pourtant pas du l’enchanter : le jeune candidat Emmanuel Macron lui a emprunté une large part de son credo. Notamment autour de la nécessité de dépasser le clivage droite-gauche pour installer, dans un effort de redressement, un consensus minimal face aux périls qui nous menacent. N’est-ce pas le sort des prophètes et, à tout le moins des penseurs, que de voir leurs idées voler sous d’autres ailes ? Ainsi est-il démontré qu’elles sont bonnes.
Dès lors, la question ne se pose plus de savoir si Marine Le Pen peut l’emporter en incarnant à elle toute seule le fameux « dégagisme », version maquillée du slogan « sortez les sortants » de Pierre Poujade, ami de son père dans les années cinquante. Il existe bel et bien, désormais, une offre de changement, de renouvellement et de recomposition au centre. L’alliance Macron-Bayrou l’incarnera. Il s’agit d’une nouveauté majeure en faveur de la lisibilité du débat, comme pourrait l’être la progression du désir d’unité à gauche. Même si, de ce côté-là de l’échiquier politique, le conditionnel demeurait encore de rigueur fin février.
Notre système électoral étant hélas ce qu’il est, un risque d’absurdité démocratique reste lié à la prolifération des candidatures. On sait comment celle-ci, jointe à un taux record d’abstention, avait entrainé un 2002 une « élection aberrante », le score de Jacques Chirac passant de 19,88 % des suffrages au premier tour à 82,21 % au second. Même s’il est heureux que Jean-Marie Le Pen n’ait pas été élu au bout du compte, une telle variation n’en a pas moins conduit à s’interroger sur le sérieux et la validité de notre mode de désignation des présidents de la République. Malheureusement, rien n’a été entrepris d’intelligent depuis pour changer un tant soit peu les règles. Beaucoup de personnalités aimées de leurs voisins pensent avant tout à tenter leur chance sur l’air du « après tout, pourquoi pas moi ? ». L’invention des primaires ou le barrage des 500 signatures ne nous évitent pas, par exemple, l’éventualité d’avoir encore deux candidats trotskistes. Une particularité française que le monde ne nous envie guère ! A force de dire que chacun doit avoir la possibilité d’exprimer son opinion, on en vient à considérer comme normal que n’importe qui vienne présenter son point de vue n’importe comment et à n’importe quelle heure grâce aux quatre chaînes d’information continue qui, en cette période, nous hypnotisent. Au détriment d’activités plus saines, telles que le sport ou la lecture des magazines…
Facile à traiter puisqu’il s’agit d’un match à compétiteurs multiples autour d’un enjeu unique et national, la compétition élyséenne constitue un sujet idéal pour la télévision. Il n’y a pourtant pas que la présidentielle dans la vie. Si certains sont piqués par la tarentule de l’action publique, qu’ils se présentent aux législatives ou se préparent pour des mandats locaux ou régionaux: la démocratie de proximité a bien besoin d’être revivifiée. On pourrait même ajouter que c’est par là qu’il faut commencer. Faute de réussite ou de places disponibles – quoique le dispositif anti-cumul en libère beaucoup – les hommes et les femmes de bonne volonté ont encore la possibilité d’intégrer les grandes organisations caritatives qui, des Restaurants du Coeur aux ONG, n’ont jamais été aussi utiles à l’humanité souffrante.
Photo en Une : © Vernier / JBV NEWS.