La 5G promet d’être une technologie de rupture et le gouvernement ne veut pas rater le coche. Toutefois, beaucoup considèrent que la France a pris du retard pour accueillir ce futur standard de téléphonie mobile. Explications de Frédéric Salles, président de Matooma.
Le gouvernement a donné cet été le coup d’envoi à la 5G en France. Cependant plusieurs acteurs se préoccupent du manque de visibilité en la matière et se posent la question de la date exacte de son déploiement. D’où vient cette inquiétude ?
L’ARCEP a effectivement lancé le processus de test de la 5G en autorisant des licences expérimentales pour les industriels, valables un an et renouvelables. Nous nous étions renseignés afin d’en acquérir une, cependant celle-ci nécessite de déployer toute une infrastructure de test avec un cœur de réseau et des bornes 5G, ce qui est très coûteux. C’est pourquoi aujourd’hui ce sont essentiellement les grands opérateurs qui sont chargés d’expérimenter cette technologie dans les neuf villes-test qui ont été désignées par l’ARCEP. Des relais vont ensuite y être définis afin de positionner les bornes 5G.
Le manque de visibilité vient de deux facteurs : tout d’abord, l’installation d’un réseau 5G nécessite que les fabricants d’infrastructures soient en mesure de fournir le matériel nécessaire à l’émission de cette technologie. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Par ailleurs, capter ce réseau nécessite naturellement un Modem approprié. Or les industriels n’en disposent pas pour l’instant parce que la norme 5G se fonde sur la certification 3GPP, qui n’est pas encore aboutie en termes de légalisation à l’échelle internationale.
Dans quelle mesure un éventuel retard mettrait-il la France en difficulté par rapport aux autres pays ?
La France n’accuse pas vraiment de retard, à la différence que les autres pays ont su mieux communiquer auprès des acteurs concernés. La Corée du Sud a par exemple effectué ses premiers tests 5G à l’occasion des Jeux olympiques de Pyeongchang. Aujourd’hui, ne pouvant pas forcément lancer cette technologie, les opérateurs ont déployé la 4,5G : autrement dit un entre-deux.
Personnellement, j’estime que la France ne va réellement commencer le déploiement à grande échelle qu’en 2022. Tout d’abord parce qu’il va déjà falloir couvrir le territoire en 4G, mais aussi parce que l’ARCEP n’a pas encore lancé l’appel d’offres pour l’acquisition des licences 5G. Donc pas de retard en résumé, sauf peut-être en matière de communication, puisque les fabricants eux-mêmes n’ont pas encore sortis de terminaux 5G.
La France n’accuse pas vraiment de retard, à la différence que les autres pays ont su mieux communiquer auprès des acteurs concernés.
Par quelle différence les offres des opérateurs français se distinguent-elles de celles de leurs homologues européens et mondiaux ?
Les opérateurs français ne se différencient pas de leurs homologues étrangers parce que la norme est déjà mondialisée par la certification 3GPP. Sans oublier que les fournisseurs d’infrastructures ne sont que trois (Ericsson, Huawei et Nokia) donc tout est forcément standardisé.
La différence entre les opérateurs se fera ailleurs. La technologie 5G bénéficie de deux canaux, le très haut débit et le bas débit, ce dernier étant destiné aux objets connectés. Deux normes en encadrent les usages, que sont la NB-IOT de Huawei et la LTE-M d’Ericsson. En fonction de l’équipement qu’ils choisiront, les opérateurs devront se plier à l’une ou à l’autre, même si fondamentalement pas grand-chose ne les distingue.
La multiplication et la complémentarité des moyens de communication pour les objets connectés (IOT) légitiment les acteurs comme Matooma, alternatifs aux opérateurs pour fournir des services centralisés et à valeur ajoutée.
En quoi cette nouvelle technologie apporte-t-elle une nouveauté aux réseaux de téléphonie mobile actuels ? Quelles en sont les principales applications attendues ?
La 5G changera clairement la donne en termes de débit puisqu’un film en définition standard pourra être téléchargé en une demi-seconde ! Autre évolution : le temps de latence, soit le délai nécessaire à un paquet de données pour passer de la source à la destination à travers un réseau. Celui-ci se trouvera réduit à une milliseconde au lieu d’une seconde actuellement, de quoi révolutionner le marché des objets connectés et notamment les voitures autonomes où le temps de traitement est plus que crucial.
Dans le monde actuel, pour connecter un objet il faut choisir entre un réseau bas débit ou carte SIM (2G, 3G, 4G). Demain, la 5G simplifiera considérablement les choses avec un seul composant qui pourra accéder aux deux fréquences. En termes d’usage, on gagnera aussi en matière de vidéo-surveillance grâce à une qualité haute définition. Les entreprises en bénéficieront également, notamment dans la gestion des sites distants.
La 5G changera clairement la donne en termes de débit puisqu’un film en définition standard pourra être téléchargé en une demi-seconde !
Quels sont les enjeux de croissance économique susceptibles d’être liés au déploiement de la 5G ?
Toute nouvelle technologie entraîne automatiquement son lot de start-up : ce qui veut dire forcément création d’emplois, mais aussi de nouvelles offres pour les entreprises. Toutefois, il est à ce jour encore difficile de quantifier l’impact économique que la 5G aura précisément en France.
Il faudra toutefois analyser l’impact de l’achat des licences 5G par les opérateurs, auprès des pouvoirs publics, qui pourrait changer les perspectives d’emplois si les prix venaient à s’envoler.
Crédit de l’image à la Une : © Matooma