Mardi 27 juin avait lieu la première séance publique de la XVème législature de la Vème République. L’occasion d’élire le Président de l’Assemblée nationale. Et celle, surtout, pour les nouveaux députés, de prendre leurs marques au Palais Bourbon.
La scène commence par l’annonce d’un huissier, comme depuis la nuit des temps républicains, de l’arrivée de « Monsieur le Président » de séance. Le scénario est presque immuable, les députés se lèvent, silencieux, et attendent respectueusement que le fauteuil du perchoir soit occupé pour se rasseoir. Un détail a toutefois son importance : plus de 70 % des élus vivent là leur première séance à l’Assemblée. Retour sur ce baptême du feu de la nouvelle législature.
Avant même le début de la séance, les premiers députés s’installent dans l’hémicycle, après avoir cherché leur place attribuée par ordre alphabétique. Ainsi, l’insoumis Mélenchon, très en vue lors de cet après-midi, se retrouve voisin de la frontiste Emmanuelle Ménard, avec qui il converse fort courtoisement. De même, on retrouve Gilbert Collard et Éric Coquerel, presque côte à côte, alors qu’ils siègeront bientôt aux deux extrémités des bancs de l’Assemblée. Certains élus sont calmes, presque un peu timides, attendant silencieusement le coup d’envoi. Leur carte de député autour du cou, ils tentent encore d’apprivoiser les lieux, chargés d’histoire. D’autres ont déjà pris leurs aises, devisant avec leurs collègues et arpentant les travées encore éparses. Ainsi de Jean-Luc Mélenchon, ayant bien pris soin d’enlever la cravate qu’il portait le matin, comme les autres membres masculins de son groupe. Marine Le Pen, autre célèbre nouvelle entrante, reste sans mot dire à sa place, juste derrière les imposantes silhouettes des habitués Le Foll et Lassalle. L’ex écologiste désormais macroniste François de Rugy est lui tout sourires,et ce malgré la disparition du groupe écolo. Sans doute attend-il une bonne nouvelle…
Mélenchon très en vue
Puis vient le vrai commencement, l’arrivée du doyen d’âge, le républicain Bernard Brochant. Dans son discours introductif, celui qui préside la séance rappelle l’histoire de cet hémicycle, dont sont sortis nombre de textes majeurs depuis la Révolution. À l’évocation des « joutes verbales extraordinaires », Jean-Luc Mélenchon acquiesce, s’imaginant sans doute déjà en nouveau Jaurès. Le doyen annonce ensuite l’ordre du jour, qui appelle l’élection du Président de l’Assemblée. Faute de bureau constitué, ce sont les six plus jeunes députés qui font office de secrétaires. L’importance du vote obligeant, le scrutin secret a lieu à la tribune. S’ensuit la longue litanie des 577 noms appelés un à un par les huissiers. Pendant le vote, qui dure près d’une heure, Mélenchon – encore lui – va voir son collègue Villani, « le matheux », pour s’excuser de son apostrophe peu cavalière quelques jours auparavant sur Twitter ( Il l’avait déjà fait le matin même dans les couloirs du Palais Bourbon, mais devant les caméras, c’est toujours mieux). La poignée de main entre les deux hommes dure bien trente secondes, à la manière d’un duel Macron-Trump. Le scientifique n’a pas changé ses habitudes, il est vêtu de sa lavallière. Pendant ce temps-là, les députés votent. L’insoumis Éric Coquerel, en jean, montre sa carte de député aux huissiers qui contrôlent le scrutin. Il faut dire que peu de visages leur sont déjà connus. Puis vient le tour d’un autre fidèle de Mélenchon, François Ruffin, d’aller à la tribune. C’est chemise hors du pantalon et baskets aux pieds que le frais député s’y rend. Le coup de communication est bien préparé, mais pas forcément respectueux de l’histoire des lieux.
La séance suspendue pour permettre le dépouillement des bulletins, c’est l’occasion pour les journalistes d’échanger leurs coordonnées avec les élus. Certains députés immortalisent encore l’instant, façon selfie. Enfin, peu avant 17 heures, la séance reprend. Bernard Brochant n’a même pas le temps d’annoncer l’ensemble des résultats, les 353 suffrages recueillis pas François de Rugy déclenchent des applaudissements sur tous les bancs. La quasi-totalité des députés se lèvent, pour saluer l’élection de leur nouveau président. Seuls ceux du FN et de France Insoumise restent assis, les bras croisés. François Ruffin, voisin alphabétique de François de Rugy, est ostensiblement scotché à son téléphone portable, ayant sans doute une urgence plus importante à régler. Le successeur de Claude Bartolone monte au perchoir et prend possession d’un des fauteuils les plus convoités de la République. Dans son discours, il évoque l’ « émotion » qui est la sienne. Mais n’oublie pas de mentionner que ses collègues et lui-même ont été « choisis par une minorité de Français ». Il énonce aussi les engagements qu’il a pris, dans la lignée de la campagne d’Emmanuel Macron : introduction de la proportionnelle, réduction du nombre de députés, refonte de la procédure parlementaire… Puis le nouvel hôte de l’hôtel de Lassay fait applaudir le drapeau européen, qui a selon lui « toute sa place » dans l’hémicycle. S’il avait voulu envoyer une pique à Jean-Luc Mélenchon, il n’aurait pas pu faire mieux – les députés FI et FN sont d’ailleurs les seuls à ne pas applaudir. À la fin de son discours, le président de Rugy est salué par la majorité des députés, même Mélenchon du bout des doigts, mais pas par Marine Le Pen ou François Ruffin. Jean Lassalle, accentuant sa réputation de député atypique, ne pénètre dans l’hémicycle qu’à ce moment-là. La séance est levée.
Image à la Une : © Mathieu Thouvenin