Comment les industries agroalimentaires françaises gèrent-elles la volatilité des prix des matières premières ? Quelles leçons peut-on tirer de la flambée de 2008 notamment ?
La volatilité des cours des matières premières est une préoccupation majeure de notre industrie. Il n’y a pas de mode de gestion uniforme de cette volatilité : les grandes entreprises disposent de moyens plus conséquents pour se prémunir contre ces risques que la grande majorité des PME, qui représentent 97 % de notre tissu économique. Dès lors, la flambée de certains cours se répercute immédiatement sur la trésorerie de la plupart des entreprises.
Aujourd’hui nos industriels n’ont d’autre choix que de redoubler de prudence pour ne pas se mettre en danger. C’est la grande leçon de 2008 : la volatilité est un facteur de déstabilisation massif et ne disparaîtra pas de sitôt. Bien entendu, des garde-fous doivent être mis en place à tous les échelons qu’ils soient mondial, européen ou français. Mais il faut également que le consommateur soit conscient de ces tensions en amont. Nous attendons que la grande distribution joue le jeu en acceptant une répercussion dans ses prix de la pression permanente que nous subissons en amont.
Dans quelle mesure la crise a-t-elle pro- voqué la baisse de consommation des ménages ? La tendance s’enracine-t-elle aujourd’hui ?
Rappelons qu’après des baisses en 2008 et 2009, la consommation alimentaire avait renoué avec la croissance en 2010 et 2011. En revanche, depuis le début de 2012 on constate un nouveau repli. La crise joue un double rôle. D’abord, la montée du chômage et les maigres revalorisations salariales participent d’un recul du pouvoir d’achat. Les consommateurs arbitrent au détriment de l’alimentaire qui joue aujourd’hui le rôle de variable d’ajustement dans leur budget. Le deuxième effet de la crise, c’est qu’elle mine le moral des ménages : la peur de l’avenir conduit à des attitudes frileuses en rayon.
Tant que la situation économique ne se sera pas éclaircie, il sera difficile d’anticiper une inversion de tendance.
Vous avez affirmé en début d’année que “l’agroalimentaire s’en sort plutôt bien” malgré des “turbulences économiques, climatiques et géopolitiques” : comment les industries françaises se portent-elles, plus précisément ? Quels sont les sec- teurs les plus en difficulté ?
L’agroalimentaire a prouvé pendant la crise qu’il constituait un pôle de stabilité alors que tant de secteurs, présentés comme des fleurons, ont vu leur production s’effondrer. Pour autant, on ressent les effets de la crise. Nombre de nos métiers ont des marges très faibles et, lorsque les prix des matières premières augmentent, certains secteurs, comme celui des viandes, se retrouvent en très grande difficulté. Aucune de nos activités n’est épargnée par la déprime de notre marché domestique, alors que nos principaux partenaires économiques, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni en tête, connaissent des difficultés pires encore les nôtres. Heureusement, nous avons encore d’excellentes performances à l’export dans les vins, les spiritueux ou certains produits laitiers, mais pour d’autres produits nous connaissons des déficits considérables.
À quels enjeux majeurs les industries agroalimentaires doivent-elles faire face aujourd’hui et notamment en termes de compétitivité ?
L’agroalimentaire n’échappe pas aux contraintes propres au site industriel France. Nous subissons les conséquences d’un coût du travail trop élevé qui nuit à notre compétitivité-coût. Ainsi, l’avantage dont nous disposions face à l’Allemagne il y a encore une décennie a complètement disparu et la concurrence par les prix exercée notamment par l’Espagne, est un sujet de vigilance. Plus spécifiquement, en termes de compétitivité, l’industrie agroalimentaire française gagnerait à ce que les relations avec la distribution se fassent dans un climat plus serein et équilibré.
Aujourd’hui, la grande distribution, très concentrée face à nos 10 000 entreprises, dispose d’un pouvoir de marché considérable et exige des sacrifices financiers à nos entreprises. Ce sont autant de moyens en moins que nous pouvons consacrer à l’emploi, à l’investissement et à l’innovation .