Par discours interposés, vous avez eu une sorte de dialogue avec le chef de l’Etat lors du dernier congrès des maires : êtes vous satisfait de sa réponse à propos des dotations budgétaires ou pensez-vous qu’il aurait pu faire mieux ?
La baisse des dotations pèse principalement sur le bloc communal, premier investisseur public local. En mai 2015, l’AMF avait prévu que la baisse des dotations conduirait à une baisse de 25% des dépenses d’équipement du bloc communal sur 3 ans de 2014 à 2016. Cette baisse de 25% a donc bien été réalisée mais sur deux ans, en 2014 et en 2015 ! L’alerte de l’AMF a finalement été entendue puisque c’est en raison de l’effondrement historique des dépenses d’équipement des communes et des EPCI que le Président de la République a réduit la baisse pour 2017. Face aux nouvelles charges qui s’annoncent (point d’indice des fonctionnaires, protocole Parcours professionnel, carrières et rémunérations, coût des normes), l’AMF demande la suppression de la dernière tranche de baisse des dotations dont le caractère insoutenable n’est plus à prouver.
Dès 2014, l’AMF avait demandé le soutien à l’investissement et la mise en place d’un fonds d’un milliard d’euros par an pour le bloc communal. Cette demande a donc été partiellement entendue : le fonds de soutien à l’investissement local et l’augmentation de la DETR permettront de favoriser l’équipement et le développement, notamment des territoires ruraux et des petites villes. Cette bouffée d’oxygène peut préserver l’emploi dans des entreprises oeuvrant dans des secteurs essentiels pour nos collectivités. Depuis juillet 2015, l’AMF préconisait une réforme de la DGF s’inscrivant dans une loi spécifique. L’annonce du Président de la République répond ainsi à la demande de l’AMF. L’AMF a également été entendue sur la nécessaire simplification du FCTVA, sur la mise en place de l’Observatoire des finances et de la gestion publique, lieu de partage de l’information et de l’analyse et la prolongation du dispositif financier des communes nouvelles jusqu’au 31 décembre 2016. L’AMF a donc obtenu des avancées importantes, c’est une première étape. Elle poursuivra sa mobilisation pour la compensation intégrale des nouvelles charges transférées (réforme des rythmes scolaires par exemple).
La loi NOTRe apporte un véritable bouleversement des intercommunalités. A quel moment, selon vous, les citoyens auront une vue claire des nouvelles structures des collectivités locales ?
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 prévoit l’extension des périmètres des communautés de communes au 1er janvier 2017 en fixant un seuil démographique de 15 000 habitants et en renforçant à court ou moyen termes leurs compétences obligatoires. Très souvent, les propositions d’évolution des périmètres intercommunaux vont bien au-delà et couvrent de vastes territoires. La mise en oeuvre de cette nouvelle carte questionne le rôle et la place des communes dans de nouvelles structures aux périmètres élargis et aux compétences accrues. Comment continuer à assurer les fonctions de proximité, c’est-à-dire régler les problématiques de la quotidienneté des habitants ? Quels sont les espaces où s’exercent ses missions ? Parallèlement, et de manière plus silencieuse, la dynamique des communes nouvelles se poursuit et s’amplifie. Alors qu’entre 2013 et 2015, seules 25 communes nouvelles avaient vu le jour, on compte, au 1er janvier 2016, 317 créations de communes nouvelles, dans le cadre d’une démarche volontaire des élus, regroupant 1 090 communes et plus d’un million d’habitants. Ce mouvement est profond car partant des réalités du terrain et de la volonté des élus. Nous assistons à une véritable réorganisation de l’échelon communal en faveur de la constitution de communes plus fortes. La réforme territoriale viendra du terrain.
La dynamique des communes nouvelles se poursuit et s’amplifie
Le terrorisme, les hooligans ou encore les manifestations constituent un gros souci pour les maires dans un contexte d’état d’urgence. Etes-vous satisfait de leur coopération avec le ministère de l’Intérieur ?
La lutte contre le terrorisme est de la responsabilité de l’Etat et de ses services. Cependant, les maires de France peuvent agir à leurs côtés pour prévenir la radicalisation. C’est dans cet esprit que le 19 mai, j’ai signé au nom de l’AMF, avec le Premier ministre, une convention avec l’Etat sur la prévention de la radicalisation violente. Celle-ci permettra de mieux informer les élus sur les processus de radicalisation, cerner les enjeux locaux et organiser les modalités de signalement des cas détectés.
Les troubles à l’ordre public auxquels doivent faire face les maires dans leur commune impliquent une pleine et efficace coopération entre l’Etat et les maires pour préserver l’exercice des libertés fondamentales dans notre pays et garantir un haut niveau de sécurité pour la population. Notre Congrès a d’ailleurs rendu un hommage appuyé aux forces de sécurité qui sont particulièrement exposées et, parfois, injustement critiquées.
Dans le cadre du 99ème congrès des maires, vous avez présenté un guide consacré à “l’aide à l’approvisionnement local” : de quoi s’agit-il exactement ?
L’AMF, l’ARF et l’ADF ont souhaité encourager et accompagner les élus qui veulent développer et préserver l’agriculture locale de qualité dans leurs territoires. Toutefois, cette démarche se heurte à un certain nombre de contraintes pratiques et juridiques, d’origine nationale et européenne. Le vademecum constitue une aide pratique pour les collectivités locales qui se mobilisent pour développer l’approvisionnement local qui permet non seulement de soutenir l‘économie mais aussi d’offrir des repas de qualité dans les écoles, collèges lycées ou les résidences pour personnes âgées. L’objectif est d’offrir une boîte à outils en favorisant les bonnes pratiques, que les collectivités bénéficient ou non d’un bassin de production.
Différents mécanismes de péréquation entre “communes riches” et “communes pauvres” sont mis en place par l’Etat : les collectivités rurales ne vous paraissent-elles pas mises à l’écart d’un système qui semble surtout concerner les zones urbaines ?
La péréquation au sein du bloc communal repose pour l’essentiel sur deux types de dispositifs : le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales et les dotations de péréquation incluses dans la DGF (dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale et dotation nationale de péréquation). Avec la DSU (1,91 milliard d’euros en 2016) et la DSR (1,24 milliard d’euros), deux dispositifs distincts sont consacrés l’un aux territoires urbains et l’autre aux territoires ruraux, reposant chacun sur des critères traduisant les charges respectives de ces deux types de territoires.
Le bilan de ces mécanismes donne des résultats contrastés selon les strates de population et ils doivent être interrogés de manière à ce que la péréquation joue véritablement un rôle de soutien dans les territoires les plus fragiles en restant soutenables pour les territoires contributeurs. C’est tout l’enjeu des travaux en cours au CFL qui devraient aboutir pour 2017 et de la réforme de la DGF. Il reste qu’il s’agit de péréquation horizontale, entre collectivités et que la solidarité nationale ne s’exprime plus au travers des mécanismes de péréquation verticale et c’est regrettable.
Copyright image : © Arnaud Février pour l’AMF