Recapitaliser les banques ?
par Pascal Canfin
Une faute morale et économique
Recapitaliser les banques dès aujourd’hui avec de l’argent public serait une faute morale et économique. Faute morale tout d’abord. Verser un nouveau chèque en blanc à des banques qui ont largement distribué dividendes et bonus depuis 2008, se privant ainsi des fonds propres dont elles auraient tant besoin aujourd’hui, est tout simplement inacceptable. Les citoyens qui subissent la crise depuis 2008 et à qui on demande chaque jour de nouveaux efforts ne sauraient le comprendre. Faute économique ensuite. Les Etats largement endettés ont des marges de manœuvre budgétaires réduites pour aider les banques. Recapitaliser ou garantir le bilan des banques de manière inconsidérée pourrait finir d’entraîner l’ensemble de la zone euro dans la dégradation que connaissent aujourd’hui l’Espagne et l’Italie. Un cercle vicieux puisqu’en retour les dettes souveraines détenues par les banques verraient leurs valeurs encore plus dépréciées.
Le soutien public, un dernier recours
Pour autant, laisser tomber une grande banque européenne pour faire un exemple n’est pas une option. Personne ne veut revivre le séisme financier qui a suivi la faillite de Lehman Brothers. La solvabilité des banques européenne est aujourd’hui, à tort ou à raison, mise en doute. Pour mettre fin à ces doutes, les banques européennes doivent donc rapidement renforcer leur niveau de fonds propres. Pour ce faire, il faut contraindre les banques à se recapitaliser et éviter qu’elles ferment brutalement le robinet du crédit. La première pierre de la recapitalisation est de prendre tous les bénéfices et de les mettre dans les fonds propres. Pour les actionnaires actuels, cette suppression du dividende est un moindre mal. Si cela ne suffit pas, la deuxième pierre est de faire appel à de nouveaux actionnaires privés via une augmentation de capital. Si aucun actionnaire n’est prêt à remettre au pot, et seulement lorsque la capitalisation boursière est quasi nulle, alors la puissance publique peut racheter les actions pour un prix symbolique pour éviter une faillite à laquelle personne n’a intérêt. La nationalisation ne coûtera alors pas d’argent aux contribuables et l’argent public injecté dans ces banques sera utilisé utilement. Le soutien public aux banques ne doit se faire qu’en ultime recours afin d’en minimiser le coût pour les finances publiques et doit être associé à une prise de contrôle.
Pour sortir de la crise
par Charles Gave
L’euro, une erreur prévisible
Dès le départ, il était prévisible que l’euro, par sa conception structurelle comme son fonctionnement pratique, allait entraîner des déficits budgétaires immenses et des dettes étatiques sans précédent.
Ceci pour deux raisons fondamentales :
I La première est que le taux moyen retenu par la BCE (Banque centrale européenne) est par, construction, supérieur au taux de croissance des pays à faible croissance (Portugal, Espagne, Grèce) ce qui conduit immanquablement vers ce que Keynes appelait des « trappes à dette ».
I La seconde est que l’euro aboutit à une très mauvaise allocation du capital entre les différents pays de la zone euro. Les taux bas en Espagne stimulent la consommation et la spéculation immobilière, tandis que ces mêmes taux, trop hauts en Allemagne, favorisent les rentiers, brident la consommation et asphyxient l’immobilier.
L’Europe se retrouve aujourd’hui avec des maisons vides sur la côte espagnole et un taux de chômage inhabituel en Allemagne.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont à un niveau historiquement bas. Ils auront du mal à baisser plus. L’endettement dû aux déficits du passé est gigantesque. Si la panique gagne et que les taux montent, la situation deviendra alors immédiatement ingérable. Quant à la croissance, il est exclu d’imaginer qu’elle puisse repartir compte tenu du peu de développement des secteurs d’entreprises et du poids des activités d’Éttat dans l’économie française. Le taux de croissance risque de rester longtemps en dessous des taux d’intérêt.
En attendant de sortir de l’euro…
Pour sortir de la crise, il existerait un pis-aller, en attendant de sortir de l’euro : transformer en crédits d’impôts les pertes que les banques ont enregistrées après l’accord de Bruxelles prévoyant une décote de la dette grecque à hauteur de 50 %. Ces crédits d’impôts devraient être inclus dans le capital primaire des banques. Prenons l’hypothèse d’une banque allemande qui détient 10 milliards de dette grecque valorisée a 100 %. Comme la Grèce a renégocié sa dette à 50 %, cette banque risque de se retrouver en faillite puisque ni Bale II ni Bale III – les accords prudentiels régissant les activités bancaires – ne prévoient de mettre le moindre capital en réserve pour une dette étatique. En revanche, elle pourrait inscrire à son bilan la dette Grecque à 50 % et, en même temps, pourrait ajouter à son capital un crédit d’impôts consenti par l’État allemand. En termes comptables, une dette de 100 serait donc remplacée par deux dettes, l’une vis-à-vis de la Grèce, l’autre vis-à-vis de l’Allemagne. On pourrait même imaginer que ces crédits d’impôts soient vendus aux autres acteurs du secteur privé contre du cash, ce qui permettrait de recapitaliser les banques à peu de frais… Bien sûr, une telle solution serait équivalente à une baisse des impôts consentie aux acteurs du secteur privé, tant en Allemagne que dans le reste de l’Europe. Mais au moins le contribuable allemand aurait l’impression de sauver ses banques et non de payer pour les Grecs…