Début avril, au ministère de la Santé, était organisé un colloque international en vue de la préparation du 4ème plan autisme. L’occasion de laisser la parole à l’association « Un pas en avant ».
« Une personne sur cent est atteinte d’autisme, ne laissez pas les préjugés parler à leur place », c’est le slogan du film « Dis-moi Elliot » réalisé dans le cadre du 3ème plan autisme[1] et visionné 1, 4 millions de fois sur internet. Pour Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion,  le 4ème volet s’appuie sur un socle solide. Dans la continuité du précédent, elle rappelle qu’il devra se fonder sur les recommandations de la Haute autorité de Santé puis être construit avec l’INSERM et la Commission scientifique internationale .
Comment les différents pays réussissent-ils à atteindre des objectifs fondés sur une meilleure inclusion sociétale pour les personnes souffrant de troubles du spectre autistique (TSA) ? Se nourrir des pratiques étrangères pour élargir le débat était tout l’objet de ce colloque.
Les scientifiques ont déclaré à l’unisson qu’il fallait tendre vers un diagnostic précoce. Pour David Skuse[2], professeur en neuropsychiatrie, cette étape est même fondamentale pour un accompagnement sur-mesure. Céline Benabou, la directrice de l’association « Un pas en avant »[3] qui accueille 25 enfants autistes déscolarisés, livre son diagnostic et ses préconisations : « la priorité pour l’avenir est l’inclusion. »
Pour une école ouverte et sans à priori
Annalisa Monti, neuropsychiatre italienne, est convaincue elle aussi que l’inclusion doit être intense. Michel Laforcade de l’agence régionale de santé en Nouvelle Aquitaine rappelle que la Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances a permis de rendre l’école plus « complaisante » tout en soulignant que le chemin est encore long. Une mère d’un enfant autiste, déscolarisé en France, angle le problème par son intervention: « comment pensez-vous concrètement favoriser l’inclusion scolaire des enfants en France »?
« Un pas en avant » prône une scolarisation sans à priori pour les enfants souffrant de TSA. Céline Benabou regrette que les établissements scolaires annoncent très souvent aux parents qu’ils n’ont pas d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour les accueillir. Les plus aisés peuvent recourir à une personne spécialisée dans le privé pour intervenir au sein de la classe. Mais c’est comme si, en plus du paiement de l’école, ils devaient verser un salaire à l’institutrice… À en croire Céline Benabou, la loi de 2005 n’est pas assez contraignante pour les directeurs. Concernant les AVS, M’hammed Sajidi, président de l’Association « Vaincre l’Autisme », s’alarme des lacunes de leur formation, elles disposent seulement de 60 heures d’enseignements sur toutes les pathologies liées aux handicaps.
Une des mesures pour le 4ème plan est de poursuivre la diversification de l’offre de scolarisation pour les jeunes avec autisme avec 100 unités d’enseignements (UE) TSA dans les écoles élémentaires sur 2 ans à compter de 2018. M’hammed Sajidi aspire à une ouverture réelle de l’école dépassant le dispositif médico-social actuel.
Vers un renouveau de l’accueil de jour
 L’alternative à l’école ? Le placement dans un institut médico-éducatif (IME) ou dans un hôpital psychiatrique de jour, accueillant les enfants pour la semaine. D’après Céline Benabou, davantage de flexibilité serait efficace : par exemple, certains enfants pourraient partager leur semaine entre leurs cours et IME. Pour les enfants en incapacité d’être scolarisés, elle reproche à ces institutions leur lenteur dans l’application des méthodes comme l’ABA[4], qui ont amplement fait leurs preuves notamment à l’étranger. Par ailleurs, elles ne dispensent pas toujours un accompagnement individualisé et adapté, restant pourtant le seul recours pour les parents les moins fortunés.
Pour rappel, il existe plusieurs approches non reconnues scientifiquement, filière ABA et non ABA : Michel Laforcade insiste d’ailleurs sur la nécessité de passer d’une culture de l’opinion à celle des preuves. Selon Sophie Rucquoy de l’Agence pour une vie de qualité (AVIQ) en Belgique, il est nécessaire d’adopter une méthode plurielle en fonction des situations.
Une association privée comme « Un pas en avant » ne reçoit aucune subvention publique alors qu’elle offre une auxiliaire par enfant et applique des méthodes efficaces et adéquates selon les profils. Si un enfant en IME coûte 70 000 euros par an, pourquoi ces associations, souhaitées par les parents, ne sont-elles pas aidées par l’État ? C’est l’une des questions que pose Céline Benabou.
Bien que la France ait accusé un sérieux retard en matière d’actions pour l’autisme, Ségolène Neuville se félicite qu’une révolution vertueuse et irréversible se mette en marche. Ce changement est attendu depuis longtemps par les associations et les parents qui espèrent un virage décisif reposant sur des budgets conséquents. M’hammed Sajidi espère un 4ème plan innovant qui commencerait en priorité par une étude épidémiologique pour disposer de chiffres concrets sur l’autisme en France entraînant alors une véritable politique de santé publique pilotée le Ministère de la Santé.
[1] 3ème plan autisme s’est achevé en décembre 2016 : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-autisme2013-2.pdf
[2] David Skuse, Great Ormond Street Institute of Child Health_ Londres
[3] https://www.unpasenavant-asso.com
[4]ABA : Applied Behavior Analysis » (Analyse Appliquée du comportement)