Pour la première fois dans l’histoire parlementaire, Twitter s’est invité en séance publique lors des débats sur le mariage pour tous à l’Assemblée nationale. Pour ne pas retarder l’adoption du texte, les députés de gauche n’ont pas pris la parole dans l’hémicycle. C’est donc sur Twitter qu’ils ont répondu aux arguments de l’opposition. Le député PS Olivier Faure a par exemple dénoncé « l’homophobie et le sexisme» d’Hervé Mariton pendant que Sergio Coronado, porte-parole du texte pour le groupe EELV, décrivait la couleur du pull-over du député de la Drôme. Des rappels au règlement et des demandes de suspension de séance ont même été formulés sur la seule base de tweets. Claude Bartolone a promis d’évoquer cette question avec un groupe de travail mais s’est refusé à rétablir le brouilleur d’ondes dans l’hémicycle.
Au Sénat, la direction de la communication a anticipé l’arrivée du texte sur le mariage pour tous en proposant à tous les sénateurs une formation aux réseaux sociaux. Jean-Pascal Picy, responsable de la communication multimédia de la Chambre haute, prévient toujours les élus venus assister à ces ateliers : “Ne créez un compte que si vous en avez l’utilité, cela n’a aucun intérêt si c’est l’assistant qui le gère”. Il cite en exemple Jean-Pierre Raffarin. L’ancien Premier ministre poste lui-même ses mini-messages aux 50 000 internautes qui le suivent. Il fait partie des personnalités politiques très remarquées sur Twitter.
Le réseau a ses propres codes qu’il s’agit de respecter pour assurer sa réputation en ligne. «Faire des tweets institutionnels ou donner son agenda n’est pas intéressant », résume la responsable de la communication numérique du groupe socialiste au Sénat. Son modèle ? Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise, qui, de l’avis de tous, a très bien compris le ton à adopter : « Elle ne fait pas de langue de bois, ajoute sa touche personnelle et en profite toujours pour faire un trait d’humour”.
Ne jamais twitter trop vite…
Comme pour les citoyens, n’importe quel élu peut se faire connaître grâce à Internet. Yann Galut le reconnaît : « Je me suis fait repérer sur Twitter avec ma proposition de déchoir de la nationalité les exilés fiscaux ». En pleine « affaire Depardieu », le député du Cher a reçu énormément de sollicitations de journalistes qui le contactaient par « DM », messages privés du réseau social. Mais l’emballement peut aller très vite. À l’image de la première dame de France qui a soutenu publiquement l’adversaire dissident de Ségolène Royal pendant les législatives, certains regrettent un tweet parti trop vite. Christine Boutin se fait régulièrement épingler pour ses propos en ligne, Axel Kahn a retiré sa comparaison d’un meeting de Nicolas Sarkozy à ceux de Nuremberg et même Cécile Duflot, pourtant très familière de ces techniques, a observé une diète de gazouillis après avoir posté la photo de son chili con carne mitonnant.
À peine nommés, les ministres ont reçu pour consigne de ne plus twitter. Michèle Delaunay n’a pourtant jamais quitté cette « cour de récréation » qui lui donne « la température politique ». Elle répond à tous les internautes qui s’adressent à elle, même les « basheurs ». «C’est un outil d’échange et de proximité », justifie la ministre déléguée aux personnes âgées qui a moins de temps qu’avant pour se rendre sur les marchés. Ce serait aussi se priver d’un outil de communication extraordinaire : « Je suis l’âgée qui twitte », explique celle qui souhaite « qu’Internet entre dans la vie des âgés ». Sur sa photo de profil, elle est assise en tailleur, un ordinateur « macbook » sur les genoux. Une façon toute trouvée d’incarner la politique qu’elle défend. Mais la plupart des membres du gouvernement ont suspendu leur activité. Comme si le risque politique était trop important par rapport aux bénéfices escomptés. Pour les trois quarts de sénateurs et la moitié de députés encore hésitants à s’inscrire, le conseil de Laurence Rossignol est sûrement bon à prendre : “Je ne twitte jamais trop vite. Je pense mon tweet, je le rédige en brouillons et je le laisse mijoter.” Une garantie.