« Eteignez vos portables, nous sommes électrosensibles ! ”. À cette annonce qui ouvre le rassemblement, tous reprennent en cadence le mantra répété à longueur de temps par toute personne souffrante d’électrohypersensibilité (EHS), chacune ajoutant son expérience personnelle à ce cri du cœur collectif. “Même en mode avion” ou encore “non, pas seulement en veille” résonne de temps à autre à l’égard des éventuels distraits. Très bien, mais quid du Wi-Fi diffusé dans toute l’Assemblée nationale ? “Malheureusement, nous n’avons pas pu le couper ”, déplore Laurence Abeille. Soupir de désespoir, voire de souffrance chez certains qui s’enroulent dans d’épaisses couvertures, sans se résoudre à quitter la salle pour autant. Après avoir réussi à traverser le déluge électromagnétique que représente Paris, ce ne sont pas quelques routeurs qui auront raison des résistants.
Tous électrosensibles
Qu’est-ce que signifie être électrosensible ? Le seul énoncé de cette question suffit à faire diverger les avis. Pour le cancérologue Dominique Belpomme, nous le sommes tous, c’est-à-dire que notre corps réagit aux ondes électromagnétiques. Des vibrations que nous ne percevons pas, émises en quantité par le Wi-Fi, smartphones, objets connectés et autres antennes-relais, mais qui sont la cause de tous les problèmes. Les médecins expliquent que tenir un smartphone contre son oreille pendant une certaine durée peut augmenter la température corporelle du visage d’un degré, ce qui est une réaction physiologique aux ondes. Les choses se compliquent chez les électro-hypersensibles (ou EHS) car leur seuil de tolérance à ces ondes diminue drastiquement. Il peut s’ensuivre des effets né- fastes, qui vont de simples maux de tête à toute une gamme de troubles musculaires, voire cognitifs. Ce n’est pas tout : il semblerait que les champs électromagnétiques puissent être liés aux cancers et à la maladie d’Alzheimer. Les électrosensibles estiment même que cette menace invisible atteindra de plus en plus de personnes, et créera à terme une véritable pandémie mondiale. Pour l’eurodéputée Michelle Rivasi, il s’agit d’un “scandale sanitaire similaire à celui de l’amiante ou du tabac ”.
Un manque de preuves
Au travers de cette conférence, les scientifiques expliquent ce phénomène qu’ils refusent d’assimiler à une simple cause psychologique. Les juristes défendent le droit d’être considéré comme handicapé tandis que les politiques critiquent la sourde oreille que leur opposent les pouvoirs publics. L’ensemble des discours constitue une journée consacrée à la défense de ceux considérés comme “des réfugiés environnementaux” par Étienne Cendrier, cofondateur de l’association Robin des toits qui milite pour une diminution de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. En effet, ces derniers sont souvent obligés de s’exiler loin des zones urbaines, qui en sont saturées. Néanmoins, les preuves tangibles manquent encore. L’OMS s’était penchée sur la question une première fois en 2005, puis en 2014. Si elle reconnaît les EHS, elle n’y voit pas forcément une maladie provoquée directement par les ondes. Ce serait plutôt un effet nocebo, c’est-à-dire que les personnes atteintes se jugent malades à cause des ondes, sans pour autant que ce lien soit véritablement établi. Cause psychologique ou physiologique, le débat n’est pas clos. En août 2015, le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse a reconnu le handicap à 80 % subi par un malade atteint d’EHS. D’autre part, un rapport sur cette question, réalisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de la santé et du travail, doit être publié à la fin de l’année. En conclusion de ce colloque, un appel pour une reconnaissance de l’EHS comme maladie, signé par 50 professionnels de la santé, a été envoyé à la ministre de la Santé Marisol Touraine.