Quel état feriez-vous de la dynamique actuellement menée pour développer la e-santé en France, notamment auprès des territoires ?
Une feuille de route dédiée au numérique a été lancée il y a un peu plus de deux ans dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 ». Celle-ci part du constat qu’en France depuis une quinzaine d’années, la e-santé s’est développée sans normes et sans véritable volontarisme politique. Résultat : les logiciels se sont multipliés sans cohérence les uns avec les autres avec des failles de sécurité et des ruptures dans les parcours de soins. Un développement anarchique, somme toute. Autre constat : encore aujourd’hui le citoyen ne dispose pas de ses propres données de santé, qui sont éparpillées entre le médecin, la pharmacie et l’hôpital.
Le citoyen sera maître de ses données en les stockant et donnant des consentements à leur utilisation.
L’Etat a donc décidé de reprendre la main en créant lui-même les fondations sur lesquelles les futurs logiciels devront se baser au travers de 30 actions déployées entre 2019 et 2022. Pour l’instant nous tenons les engagements face au calendrier avec le lancement de l’identifiant numérique pour l’ensemble des Français, ou encore l’espace numérique de santé, la messagerie sécurisée, sans oublier une plateforme d’applications labellisée, etc.
Dans quelle mesure un acteur majeur comme le MiPih y contribue-t-il ? Quels sont ses points forts ?
Cet acteur accompagne la digitalisation de la médecine en tant que fournisseur de logiciels à destination des hôpitaux pour redonner du temps aux soins. Ces solutions devront à l’avenir intégrer les services socles que l’Etat met actuellement en place. Le MiPih y travaille d’ailleurs en ce moment même en les déployant dans plusieurs hôpitaux. C’est aussi un opérateur de messagerie sécurisée de santé compatible avec les nouvelles normes.
J’assume avoir une vision assez romantique de la e-santé en France.
Pourriez-vous en dire plus sur les grands projets nationaux en cours pour une e-santé à la fois inclusive et humaniste ?
J’assume avoir une vision assez romantique de la e-santé en France. Afin d’être humaniste, celle-ci doit avant tout être souveraine car nous n’arriverons jamais à défendre notre modèle si l’on ne maîtrise pas cet outil numérique.
Autre point : le sujet citoyen, à qui nous n’avons pas suffisamment fait confiance jusqu’ici. Or il en faut pour que le patient utilise le numérique comme un outil d’émancipation et de pouvoir en devenant acteur !
Sans oublier l’éthique, qui doit être notre marque de fabrique tant au niveau national qu’européen, en l’articulant autour de quatre grands principes : la bienfaisance, la non-malfaisance, l’autonomie et la justice. Elle doit même faire l’objet d’un questionnement permanent afin de créer l’impulsion indispensable à la déontologie au sein du numérique.
Quelques mots sur le futur espace numérique de santé ?
Cet outil sera disponible pour l’ensemble des Français à partir de 2022, et ce dès la naissance à travers un dossier médical partagé. Le citoyen y sera maître de ses données en les stockant et donnant des consentements à leur utilisation. Il comprendra également un système de messagerie sécurisée, un agenda de santé, un « store » d’applications labellisées par l’Etat, etc. Une plateforme tout-en-un qui va fluidifier les parcours de soins ! Celle-ci sera testée dès cet été dans trois Départements pilotes que sont la Somme, les Pays-de-la-Loire et la Haute-Garonne.
Je souhaiterais que l’on sorte du syndrome très français consistant à naviguer perpétuellement entre le fantasme et la frustration.
Qu’attendez-vous exactement des parlementaires et de l’impulsion qu’ils doivent donner sur leurs territoires ?
Je souhaiterais que l’on sorte du syndrome très français consistant à naviguer perpétuellement entre le fantasme et la frustration. Cela fait quinze ans que l’on rêve de mettre en place des outils fabuleux sans être capable de faire preuve d’humilité pour avancer pas à pas collectivement. Une forme de névrose qui nous amène in fine à nous auto-flageller puis tout laisser tomber.
C’est pourquoi il faudrait que politiques, médias, leaders d’opinion assument de concert cet idéal à la française d’humanisme en acceptant d’avancer humblement dans la durée. Retroussons-nous les manches et jouons collectif même s’il y aura forcément des oppositions ou des sceptiques !