Maurice Leroy : Résolument non ! Le conseiller territorial, voulu par Nicolas Sarkozy, avait la vertu de nous conduire vers la fusion Régions-Départements. Il est grand temps de mettre fin à la lasagne territoriale qui coûte si cher aux contribuables français. Personnellement, je suis favorable, et depuis longtemps à cette union car l’heure est à la mutualisation des moyens. En Loir-et-Cher, une convention a même été adoptée avec mes collègues présidents Eric Doligé (Loiret) et Albéric De Montgolfier (Eure-et-Loir) pour aller dans ce sens.
Prenons l’exemple du développement économique : cette compétence est obligatoire pour les Régions et pour les intercommunalités et facultative pour les Conseils généraux qui évidemment l’exercent. Sans parler des Chambres consulaires qui interviennent également. Que de guichets alors que l’efficacité commanderait de n’en avoir qu’un seul ! Ce système d’empilement, qui n’a rien de démocratique, doit prendre fin. La Région est le chef de file logique en ce domaine.
Claude Jeannerot : Le conseiller territorial est mort depuis un moment déjà et il faut s’en réjouir. Loin de répondre aux objectifs de clarification des compétences et d’optimisation des moyens, sa création est venue renforcer les défauts actuels du « mille-feuille territorial ». L’erreur est en fait dans le diagnostic originel : les régions, l’État et l’Europe interviennent sur le champ des grands équipements ; a contrario, l’ensemble communes-intercommunalités-départements sont les garants de la proximité avec les territoires. Vouloir rassembler départements et régions, c’était donc risquer de tirer ces dernières vers des préoccupations de type cantonalistes, alors qu’elles ont justement besoin de prendre de l’élan et de la distance.
En somme ce projet de l’opacité par la confusion aurait accouché de davantage de centralisation et je ne suis pas sûr que les coûts en eussent été améliorés. Imaginez les assemblées pléthoriques ingouvernables qui auraient été créées dans certaines régions ! D’autant qu’en maintenant le scrutin uninominal, le problème de la parité n’aurait pas été résolu.
Institué en 1871, le renouvellement par moitié des conseillers généraux est supprimé au profit d’un renouvellement intégral. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
Claude Jeannerot : C’est une très bonne mesure. Je crois même pouvoir dire qu’elle était attendue depuis longtemps, aussi bien à droite qu’à gauche car elle offre plus de lisibilité aux électeurs. Les élections cantonales souffrent d’un déficit de fréquentation par les électeurs, surtout en ville, en partie à cause du renouvellement par moitié. En renouvelant totalement l’assemblée tous les six ans, nous favorisons l’efficacité et la visibilité d’un vrai projet de territoire. La dimension d’engagement départemental est renforcée, au détriment d’une approche plus cantonaliste, plus « clientéliste ».
Autre point essentiel : le conseiller général devient le conseiller départemental. Cela renvoie à cette logique d’action départementale.
Maurice Leroy : Sur le fond ça ne me choque pas, je n’ai aucun problème pour que l’on renouvelle une collectivité territoriale en une fois au lieu de deux. Sur la forme par contre, le mode opératoire électoral qui a été utilisé bafoue la démocratie locale. Ce prétexte cache en fait un objectif de tripatouillage électoral de la part du Parti socialiste, qui a été le seul à avoir voté cette mesure au Sénat (où la gauche est majoritaire) et à l’Assemblée nationale : du jamais vu dans la Ve République ! Comment accepte-t-on qu’un seul parti décide d’une réforme électorale ?
Deux conseillers départementaux (un homme et une femme) seront élus dans chaque canton. Faut-il aller aussi loin pour faire progresser la parité ?
Maurice Leroy : Le binôme est la preuve même du tripatouillage du Parti socialiste pour les élections départementales ! Si la parité était réellement le but recherché, les députés PS auraient fait voter les amendements présentés en séance à l’Assemblée nationale comme au Sénat par l’UDI, l’UMP, les écologistes, les communistes et même les radicaux de gauche. Les grands perdants de cette réforme seront néanmoins les territoires ruraux, dont l’ensemble des élus (toutes orientations politiques confondues) sont remontés contre cette loi. Malgré cela, je reste confiant : je sais que les Français ne se laisseront pas berner.
Claude Jeannerot : Le grand point faible de nos assemblées départementales, du fait du mode de scrutin, c’est l’absence de parité. Le taux actuel de femmes élues au sein des conseils généraux est de 13,5 %. C’est inacceptable. Aucune tentative de rappel à l’ordre ne fonctionne étant donné que le scrutin uninominal appelle et privilégie les notables enracinés dans un territoire, le plus souvent des hommes.
L’idée de forcer un peu le destin va garantir la parité sur chacun des territoires, initiative que j’ai toujours soutenue. En instaurant ce binôme on maintient à la fois un lien personnel entre les deux élus et les habitants de ce territoire (ce qui fait la force des assemblées départementales) et on garantit la parité. Pour moi c’est une avancée démocratique réelle et une vraie audace pour la modernisation de nos institutions.