Jeudi 8 juin, le Défenseur des droits accueillait la cérémonie de remise des Prix de la cinquième édition du concours « Zéro Cliché » pour l’égalité femmes-hommes, organisé par le CLEMI (Centre pour l’Education aux Médias et à l’Information) en partenariat avec Causette, Les Nouvelles News et TV7 Monde. Ouvert aux écoliers, collégiens et lycéens, il récompensait leurs productions destinées à lutter pour l’égalité et contre les stéréotypes.
Huit lauréats et deux mentions spéciales, répartis dans les catégories articles, dessins et vidéos. C’est la première édition du concours qui donne lieu à une cérémonie de remise des prix. Dans la salle, des jeunes gens souriants (avec une légère majorité de filles) et leurs professeurs manifestement fiers d’eux. Virginie Sassoon, du CLEMI, les encourage : « vous êtes cette génération qui construit le chemin vers l’égalité ». Inviter les élèves à « dénoncer, déconstruire, avancer ensemble », voilà l’objectif du concours. A en juger par leurs productions, à retrouver ici, c’est un pari gagné.
La vidéo du lycée Louis de Foix de Bayonne
Une déconstruction des stéréotypes qui commence très tôt
Pas besoin d’attendre que les enfants soient « grands » pour les éduquer à l’égalité : l’assimilation, la reproduction des stéréotypes et des attitudes sexistes s’effectue dès le plus jeune âge. Le « reportage sur les stéréotypes sexistes à l’école » des lycéennes de Victor Hugo (75) en témoigne : on entend par exemple « les garçons ils pensent qu’à faire la bagarre », ou encore « elles aiment pas trop le sport ». Les élèves en sont bien conscients. Les lauréates du collège de la Rose Blanche (75) écrivent ainsi : « Nous pensons vraiment que le facteur qui doit être pointé est l’éducation des enfants dès leur plus jeune âge pour que l’égalité entre les hommes et les femmes ne soit pas qu’un mot. »
Mais la déconstruction, elle aussi, peut commencer très tôt. Dans les classes de CP, CE1 et CE2 de l’école du Dauphin (44), l’idée de la vidéo est née d’un débat sur les filles et les garçons, pendant lequel ils ont pris conscience de certains clichés sur leur genre. Le concours a permis d’organiser une réflexion autour de leur quotidien et de ce qu’on leur montre aux élèves, loin d’être imperméables à ce genre de réflexions. Serge Barbet, du CLEMI, le souligne lors de son intervention : l’image a un rôle très important pour la déconstruction des stéréotypes. Alors, quoi de mieux que de proposer aux jeunes de produire leurs propres représentations ?
« A toi qui veut le monde, mais dont l’avenir est tout tracé »
Comme le rappelle Jacques Toubon, le rôle du Défenseur des Droits est de « mettre la réalité de la vie quotidienne en conformité avec le droit ». Et justement, « avoir le droit de » est une formule qui revient souvent dans les productions des lauréats. Le droit de jouer au foot, de pleurer quand on est un garçon, de faire les mêmes choses quel que soit son genre… Des revendications qui tournent, pour les plus jeunes, autour des sports, des activités, mais pas seulement. Partis de leur quotidien, ils savent bien que ces rapports se traduisent dans la vie adulte : par exemple, les filles qui occupent bien moins d’espace dans la cour de récréation sont aussi plus effacées de l’espace public.
Ils savent aussi que c’est à eux d’agir. Les lauréates du lycée Louis de Foix (64) ont « quinze ans mais [savent] que c’est à [elles] de conserver le droit ». Michael, du collège César Franck (75), pense déjà à la relève : « Les sixièmes ne comprennent pas pourquoi il y a des clichés – c’est plutôt rassurant pour l’avenir ».
Ce qu’ils veulent aussi, c’est pouvoir rêver, et pas seulement en rose ou bleu. Une phrase de la vidéo des lycéennes de Bayonne reste en suspens : « A toi qui veut le monde, mais dont l’avenir est tout tracé ». La mixité des métiers revient dans l’article du lycée André Cuzin (69) ou encore celui du lycée Villon (45). Conscients des barrières que leur genre peut leur imposer, ils apprennent aussi à être conscients des limites des représentations qui leur sont proposées.
Apprendre à choisir leurs images
Les mots parlent d’eux-mêmes : un cliché est avant tout une image. Et celles que l’on donne à voir aux jeunes façonnent leurs représentations, puis leurs rêves, ce dont ils se pensent capable, et même leurs trajectoires. Isabelle Germain, des Nouvelles NEWS, le rappelle dès le départ : les informations montrent plus de 80% d’hommes, et moins de 20% de femmes. Celles-ci sont le plus souvent classées dans trois catégories : victime, femme ou fille de, témoin anonyme.
Ailleurs, difficile de naviguer entre objectification et hyper-sexualisation. Les lycéennes de Bayonne n’approuvent pas toutes ces images qui leur sont balancées en vidéo : « Aujourd’hui les clips sont déconseillés aux moins de 10 ans, à l’époque de nos parents c’était juste des décors ». Alors, elles cherchent d’autre modèles que ceux qu’elles jugent presque « pornographiques » : Adèle, Rosa Parks, Emma Watson. « De toute façon, moi j’écoute que de la vieille musique ».
Des initiatives sont prises pour aider les jeunes à s’orienter au milieu de l’offre médiatique. Il ne s’agit pas uniquement de stéréotypes, mais aussi d’éduquer à penser par soi-même. Le CLEMI propose par exemple les ateliers Déclic Critique. Pour Sébastien Rochat, « c’est important d’avoir une distance critique par rapport aux productions médiatiques, que ce soit les médias traditionnels ou les réseaux sociaux. » Selon lui, ces derniers sont plus souvent pointés du doigt pour les cas « d’intox », mais les médias traditionnels peuvent aussi commettre des erreurs ou accidentellement relayer des rumeurs.
Pour aboutir à des discours « Zéro Cliché », la France peut certainement compter sur la bonne volonté de ses élèves. Dans un monde d’images, il faut surtout leur apprendre à faire dialoguer celles-ci entre elles, pour les confronter, les déconstruire, les analyser. A eux de choisir, en toute liberté, celles qu’ils veulent véhiculer.
Photo à la Une : © J. Chérifi / CLEMI. Concours #ZéroCliché 2017