Quels sont les chantiers prioritaires que vous souhaiteriez aborder pour la région ?
Nous avons été élus sur un projet clair et solide, qui comporte une série de mesures fortes dont la mise en œuvre s’échelonnera sur tout le mandat. Mais il faut naturellement fixer des priorités, répondre aux grandes urgences dans les semaines et les mois à venir.
La première urgence, c’est une urgence budgétaire : la dette régionale a triplé, les taxes régionales n’ont cessé d’augmenter. Il faut regarder la situation en face : pour continuer à investir, nous devons dégager des marges de manœuvre. C’est le sens du plan d’économies que nous allons lancer avec des mesures très concrètes comme la baisse des dépenses de communication, la maîtrise des dépenses de personnel mais également la mutualisation avec les Conseils départementaux. Car il existe un véritable gisement d’économies dans le rapprochement et la mise en commun des moyens des collectivités. Nous revendrons par exemple les espaces régionaux dans les départements et nous conventionnerons avec les Conseils départementaux pour assurer une présence de la Région sur les territoires. Notre objectif, c’est de baisser le recours à l’emprunt et de geler les taxes régionales.
La deuxième urgence est économique. Notre premier devoir, c’est d’aider les secteurs qui souffrent le plus. Je pense notamment à l’agriculture qui est stratégique pour les Pays de la Loire et qui traverse une crise qui est la fois économique, sociale, morale même. Nous allons lancer dans les prochaines semaines un plan d’urgence en faveur de l’agriculture avec des mesures concrètes sur la modernisation des exploitations, sur l’approvisionnement en produits locaux, sur les normes également… Aux secteurs les plus fragiles s’ajoutent également les personnes les plus fragilisées par la crise, en particulier les jeunes qui sont les premières victimes du chômage de masse. La Région dispose d’un formidable outil d’insertion avec l’apprentissage, qui a malheureusement été fragilisé ces dernières années. Nous organiserons au mois de mars un Grenelle régional de l’apprentissage qui réunira à la Région les CFA, les branches professionnelles, les décideurs publics, afin de mettre en place des mesures fortes de soutien à l’apprentissage, comme par exemple la création d’une prime régionale pour les PME qui embauchent un apprenti.
Enfin, il existe une urgence territoriale dans les Pays de la Loire : rétablir l’équilibre régional, réduire cette fracture géographique entre les grandes agglomérations et les petites communes rurales qui se sentent trop souvent abandonnées par les pouvoirs publics. Je ne veux pas d’une région à plusieurs vitesses, et nous adopterons dans les prochains mois un pacte régional pour la ruralité afin de soutenir la revitalisation des centre-bourg, le développement des services et de la médecine de proximité, le désenclavement routier, la montée en débit et la lutte contre les zones blanches téléphoniques…
La loi NOTRe représente-t-elle une contrainte d’après vous, ou, au contraire, facilite-t-elle la clarification des compétences ?
La dimension positive de la loi NOTRe, c’est qu’elle a renforcé les compétences économiques de la Région au moment où justement notre pays a besoin de nouvelles réponses économiques pour sortir de la crise. C’est une lourde responsabilité et nous devons être à la hauteur de ce défi en faisant des Régions les « ressorts économiques de la puissance de demain » pour reprendre une expression du Général de Gaulle. Nous ne pourrons le faire qu’en jouant de toute la gamme de nos compétences, que ce soit sur le développement économique, la formation, l’innovation ou même encore les grandes infrastructures. Il faut faire de la Région une arme anti-crise en actionnant tous les leviers économiques que la loi nous a confiés.
Mais la loi NOTRe, c’est aussi une occasion manquée. D’abord parce qu’en créant des « méga-régions » à la va-vite, qui ne correspondent pas aux réalités historiques et géographiques, le Gouvernement a affaibli le sentiment d’identification des habitants à leurs territoires. Or l’identité est un moteur de développement. Je le constate tous les jours au plan local, et nous pouvons même le constater au plan international : les territoires qui tirent leur épingle du jeu dans la mondialisation aujourd’hui sont souvent ceux qui disposent d’une identité forte, capable de fédérer les énergies. Par ailleurs, des méga-régions supposent des « méga-administrations » avec un coût pour la collectivité qui augmentera à mesure que la décision s’éloignera. Car la proximité, c’est souvent la garantie d’une bonne utilisation des deniers publics. Il n’y aura pas d’économies avec le nouveau redécoupage régional : tout le monde ou presque le reconnaît aujourd’hui. Les vraies économies se trouvent dans la mutualisation des moyens des collectivités, dans la suppression des normes inutiles également qui renchérissent le coût des politiques locales.
Quelle pédagogie allez-vous mettre en œuvre pour que les habitants prennent conscience de leur nouveau territoire ? Quelle communication faut-il adopter, d’après vous, pour créer une véritable identité régionale intégrant les nouvelles frontières ?
Les Pays de la Loire ayant été laissés en l’état, l’enjeu n’est évidemment pas le même pour nous que pour les territoires ayant été fusionnés. Ceci étant, notre région est une composition récente, que certains considèrent parfois comme « artificielle » alors qu’elle est au contraire une conjugaison entre des identités fortes, qu’elles soient vendéennes, angevines, mayennaises, sarthoises et bien sûr nantaises.
Nous ne renforcerons pas notre unité régionale en niant notre diversité territoriale. Au contraire, cette diversité est une chance, elle nous singularise même car les Pays de la Loire sont la seule région qui se conjugue au pluriel. Le rôle de la région, ‘c’est aussi de respecter et de valoriser ces identités. Je ne crois pas aux institutions déracinées qui fissent toujours par être déconnectées des réalités locales.