Le président de l’Association des Régions de France prône une spécialisation des collectivités, avec des responsabilités bien définies. Objectif : décentraliser, pour mieux responsabiliser.
Vous êtes intervenu à plusieurs reprises lors de la discussion sur la loi instituant les métropoles. Vouliez-vous rappeler au gouvernement qu’elles sont aussi des capitales régionales ?
Si nous reconnaissons le rôle des métropoles comme locomotives sur un territoire, nous avons néanmoins été surpris par le fait que la loi sur les métropoles ait été considérée comme une priorité, parce que l’urgence en France est l’emploi, le retour de la croissance, la modernisation industrielle, le décloisonnement entre les mondes de la recherche, de la formation et de l’entreprise. Tous les pays qui réussissent sont ceux qui parviennent à créer des ETI fortes, via les régions. Il est donc curieux que ce ne soit pas l’impératif économique qui prédomine. Si l’on peut aussi regretter qu’il s’agisse plus d’un texte d’organisation des compétences que de décentralisation, il comporte aussi des avancées intéressantes sur le transfert de la gestion des fonds européens aux Régions, ou le renforcement de leur rôle de chef de file.
L’année 2014 sera, je l’espère, beaucoup plus positive pour les Régions. Dans son discours du 13 décembre à Rennes, lors de la signature du Pacte d’avenir pour la Bretagne, le Premier ministre a annoncé d’importantes avancées institutionnelles pour l’ensemble des collectivités.
Le deuxième projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale, dont l’examen au Parlement est prévu en avril 2014, doit consacrer ces avancées. Les Régions travailleront dans les prochains mois avec le gouvernement afin de déboucher sur un véritable Acte de décentralisation. Cela passe par un renforcement de nos compétences sur notre cœur de métier (développement économique, accompagnement vers l’emploi, formation professionnelle et apprentissage), la possibilité d’élaborer des schémas prescriptifs, un droit à l’expérimentation et à la différenciation des politiques publiques, l’attribution d’un pouvoir réglementaire pour adapter les règles aux spécificités des territoires…. Mais aussi des ressources plus dynamiques et plus en lien avec nos compétences.
L’ARF a souvent émis le voeu de voir les Régions disposer d’un impôt dynamique. Pensez-vous que la grande réforme fiscale envisagée par le Premier ministre puisse aller dans ce sens ?
Pour moi le préalable à la réforme fiscale, c’est la spécialisation des collectivités. A partir du moment où les responsabilités seront bien définies, on libèrera les collectivités des autres compétences et on retrouvera des marges de manœuvre financières. Par exemple, de véritables usines à gaz ont été montées au sujet de l’innovation, des investissements d’avenir, des pôles de compétitivité, des appels à projets… Aujourd’hui, les laboratoires et entreprises qui veulent obtenir un financement public sont engagés sur des dossiers et des cheminements interminables. Pire : les décisions sont prises par des personnes lointaines, qui ne suivront pas l’entreprise et n’en connaissent pas la technique. La France est le seul pays à avoir conservé au niveau de l’Etat des appels à projets pour verser 200 000 € à une PME. Alors que les Régions mettent parfois jusqu’à 10 millions sur la modernisation d’une entreprise. Le problème est dans les deux sens : comment entre collectivités on clarifie les compétences et comment l’Etat arrête d’intervenir sur des compétences qui ne sont pas de son ressort, tout en se réarmant sur ses fonctions stratégiques et régaliennes.
Il est de plus en plus fréquent d’entendre dire que le niveau de la dépense publique en France doit diminuer. Les Régions auront-elles la possibilité d’agir en ce sens ?
La Région est la seule collectivité dont les ressources baissent. Le problème de la France est qu’elle a adopté un modèle de sous-traitance. C’est pour ceci qu’elle ne se responsabilise pas. La décentralisation, c’est entrer dans le modèle de la responsabilité. Aujourd’hui, l’Etat fait tout et les collectivités sont émiettées avec des petits budgets. Sur le plan industriel, c’est la même logique entre les grands groupes et les PME. Le modèle bancaire est le même : toute l’épargne remonte à Paris et les guichets sont dispersés. Il faut passer à un modèle de responsabilité en désignant un pilote pour chaque politique publique.
Est-ce que la diminution des dotations globales de fonctionnement ne va pas compromettre certains partenariats Etat-région ?
Ces partenariats restent très utiles pour donner de l’efficacité à l’action publique et nécessitent des moyens financiers adaptés. Une région ne peut pas développer une politique industrielle, si elle n’a pas une politique de recherche. Elle ne peut pas élaborer une politique de la jeunesse, si elle ne s’occupe pas des étudiants et de leur mobilité. A ce titre, nous finançons en Aquitaine la moitié du plan campus. Si les Régions n’étaient pas présentes, ni sur la réhabilitation ferroviaire ni sur les lycées, rien ne se ferait en France.
Les Régions revendiquent haut et fort leurs compétences en matière de transport, croyez-vous qu’elles disposeront des moyens de leurs ambitions, notamment pour ce qui concerne le ferroviaire ?
Sur le système ferroviaire, nous sommes la seule collectivité à ne pas avoir de ressource dédiée, alors que nous avons ressuscité les TER. Or, si nous avons financé le renouvellement du matériel roulant, le réseau lui même est vieillissant. Les coûts des services ferroviaires et des péages versés à RFF augmentent sensiblement chaque année. Il n’y a que deux solutions : obtenir une ressource dédiée comme l’ont les agglomérations et inciter les opérateurs ferroviaires à dégager des gains de productivité et à les restituer aux Régions.
Comment les Régions peuvent-elles être valorisées au niveau européen ?
L’Europe est un allié et un booster de premier plan, dans la mesure où les Régions vont gérer – à la suite d’une décision du Président de la République et du gouvernement – le Feder, le Feader et une partie du FSE. Ceci en accord avec les règlements communautaires, qui incitent à une spécialisation intelligente. Un effort doit être fait sur l’innovation et la lutte contre le réchauffement climatique. C’est dans ce cadre que nous avons pu développer en Aquitaine, par exemple, le fabuleux outil du laser. Les présidents de Région sont des proeuropéens hyperactifs. Hélas, la France ne se représente l’Europe que sous sa face à la fois réglementaire et ultralibérale, sans mettre en avant les moyens qu’elle donne pour accélérer l’économie locale.