Faisons un rêve. Nous sommes au premier trimestre 2020. Les élections européennes ont eu lieu il y a plus de six mois. La France se passionne désormais pour les municipales. On parle encore beaucoup de ces gilets jaunes qui ont défrayé la chronique à la fin de l’année 2018 et pendant une bonne partie de 2019. S’il reste de l’agacement chez certains observateurs et, en général, peu d’indulgence rétrospective pour les inadmissibles dérapages ayant marqué la période, beaucoup soulignent que cette soudaine expression de la souffrance sociale comme de la peur de l’avenir aura eu au moins le mérite de « réveiller la politique » dans notre pays. Le chef de l’Etat aura tellement eu chaud qu’il aura « tombé la veste » en plein hiver devant des maires revenus en grâce. L’éparpillement des listes et des voix lors de la désignation des représentants français au Parlement européen n’aura pas rendu plus lisible le résultat de cette consultation que celui de la précédente. Même si le retour à la proportionnelle nationale aura apporté une image scanner intéressante, un « sondage grandeur nature » en somme, de l’état des forces des différentes familles politiques. …
Le plus intéressant aura porté sur la fièvre démocratique pour une fois assez partagée entre le citoyen et le candidat, l’électeur et l’éligible. Les Français se seront rendus aux urnes en plus grand nombre que lors des consultations précédentes. Ainsi fut confirmé à quel point la vie est pleine de paradoxes. L’envie d’envoyer aux galères les élus et les ministres peuplant hémicycles et institutions démocratiques aura provoqué un plus grand besoin de s’exprimer dans les urnes, faute d’avoir pu démontrer quoi que ce soit d’intelligent par les poings et les pieds. Aux municipales à venir, on annonce une exceptionnelle pluralité de listes. Le plus petit village en affichera deux ou trois. Les idées foisonnent tellement que tout le monde veut être maire ou ne serait-ce qu’adjoint. Le désintérêt pour la vie publique et le refuge dans l’abstention ne sont plus que de mauvais souvenirs.
Trêve de politique-fiction. Nous sommes bien en 2019 et le scénario qui précède – très optimiste, avouons-le – qui précède n’est pas encore écrit. Il n ‘est même pas sûr du tout qu’il le soit. Mais à quoi bon, pour le moment, jouer les « marchands de peurs » ? Le rêve de « transformer les colères en solutions » nourri par Emmanuel Macron n’est pas utopique. C’est la méthode qui peut poser problème. Un Etat doit être incarné mais il ne faut pas confondre cette incarnation avec l’exercice personnel du pouvoir qui est la maladie chronique de la VeRépublique. Quand bien même il s’appuierait soudain sur la majorité des maires de France – ce qui reste à obtenir – un homme solitaire ne peut plus assumer sans partage des responsabilités « le pilotage d’une société complexe », selon l’expression de feu Michel Rocard.
Crédit de l’image à la Une : © Muller/JBV News