Le mandat parlementaire est un contrat à durée déterminée démuni de période d’essai. Des bévues de départ n’entachent pas forcément la suite de l’exercice. C’est pourquoi la tentation « d’anecdotiser » – selon le mot de François de Rugy – les débuts difficiles de certains élus diminuera sans doute, chez certains observateurs peu bienveillants, au fil des mois à venir. En moins de dix semaines, avec l’installation de nouveaux députés et la création de cinq groupes différents peu comparables aux précédents, la vie du Palais-Bourbon a été bouleversée. Ne serait-ce que parce que les dispositions vestimentaires du règlement ont changé. Plus de costume-cravate obligatoire ! Quant aux tablettes et smartphones, longtemps prohibés dans l’hémicycle, ils pullulent aujourd’hui sur les pupitres. Mais les débutants pressés d’imposer la marque de la modernité sur des rituels hérités des débuts de la République auraient tort de croire qu’un vent nouveau va tout emporter. Déjà apparaît comme une erreur la volonté manifeste des élus du nouveau groupe majoritaire de priver les « anciens », même faisant partie de leurs rangs, de l’accès aux postes de responsabilité. Une Assemblée n’est pas une entreprise. Elle fonctionne selon des règles institutionnelles et protocolaires éprouvées, écrites et non écrites, que l’on ne saurait sans dommage changer du jour au lendemain. En avoir l’expérience n’est pas souffrir d’une tare, bien au contraire…
Comme en 1981, avec « les barbus de la chambre rose » ou en 1993, quand l’impressionnante cohorte chiraco-balladurienne se coupa vite en deux, les aléas de la vie démocratique se chargeront vite sans doute de transformer la photographie de départ. Certes, certains textes se veulent emblématiques du nouveau pouvoir, comme la loi de moralisation sur la vie politique qui suscita des débats chaotiques. Mais le classicisme des débats et l’âpre discussion sur les détails (où, c’est bien connu, se réfugie le diable) feront leur retour à l’automne avec l’examen des textes budgétaires : projets de loi de finance (budget de la nation) et de financement de la Sécurité sociale. Les « petits nouveaux » et « petites nouvelles » de l’hémicycle feront néanmoins entendre des points de vue dont nul, notamment au sein des ministères, ne connait par avance la véritable tonalité. Si l’on devine à peu près dans quels registres vont évoluer Jean-Luc Mélenchon et ses amis de « La France Insoumise », si l’on s’attend aussi à retrouver Marine Le Pen en terrain connu, on ne sait guère quels orateurs vont surgir du pléthorique groupe de « La République En Marche » ni sur quels argumentaires ils vont s’appuyer. Les soutiens parlementaires de la majorité présidentielle sont en effet issus à la fois de la droite et de la gauche. On va vite voir, désormais, si cela se traduit par le meilleur (la fin des dogmes) ou par le pire (les hésitations et incertitudes).
Copyright de l’image à la Une : © Vernier/JBV NEWS