Derniers jours pour découvrir l’exposition « Mode & Femmes 14/18 » à la Bibliothèque Forney. Un éclairage des mutations sociales qui ont accompagné l’évolution vestimentaire des Françaises pendant cette période, entraînant une rupture entre l’arrière et le front.
« Debout (…) jeunes enfants, filles et fils de la patrie ! Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur les champs de bataille ». C’est en ces termes que René Viviani, Président du Conseil des ministres, interpelle les femmes françaises le 6 aout 1914 à venir rejoindre l’effort de guerre. Dans les usines comme les hôpitaux, elles délaissent rapidement leurs robes à crinoline pour adopter des tenues plus pratiques, parfois enjolivées avec des bijoux et des cols : à commencer par l’emblématique costume-tailleur créé par le couturier anglais Redfern en 1881, qui s’impose très vite comme une tenue quotidienne. Une révolution à la fois vestimentaire et sociale, que les soldats découvrent de retour en permission et qu’ils ont du mal à comprendre.
Ruptures
 L’exposition revient sur ce phénomène de rupture entre l’avant et l’arrière. Selon Jean-Yves Le Naour, docteur en histoire et spécialiste de la Grande Guerre, les poilus dénoncent une mode de guerre et la soi-disant frivolité féminine. Il souligne qu’il s’agit au contraire d’une véritable union sacrée vestimentaire ou la mode s’inspire du style militaire : les chapeaux ornés de cocardes, ou encore les boutons en forme de grenades. Par ailleurs, au cours de leurs permissions, les soldats voient d’un mauvais œil ces théâtres débordant de spectateurs et ces cafés remplis, diamétralement opposés à leur quotidien dans les tranchées.
Ce phénomène s’explique surtout par un renversement de domination entre les deux sexes à en croire Jean-Yves Le Naour. En effet, les poilus sont en position d’attente et de dépendance affective alors que les femmes, libres, se « virilisent » et gagnent de l’argent. En réalité, c’est un fantasme puisque l’avant et l’arrière fonctionnaient ensemble et s’entraidaient constamment, rappelle l’historien.
Une guerre émancipatrice ?
 Jean-Yves Le Naour souligne qu’il y a eu trois temps historiographiques sur cette question : jusqu’aux années 70, les spécialistes affirment que les femmes avaient profité de l’absence des hommes pour occuper des places plus importantes et ainsi s’émanciper. Ensuite, dans les années 80 / 90, ils sont finalement convaincus de l’inverse. Depuis les années 2000, les historiens sont revenus à une position plus équilibrée : la guerre ne propose pas de rupture nette, et apparaît davantage comme une période de transition préparant les « révolutions » futures de la seconde moitié du 20ème siècle. Une tranche d’histoire et de mode à découvrir à jusqu’au 17 juin à la Bibliothèque Forney dans le 4ème arrondissement de Paris.
Informations pratiques :
MODE ET FEMMES 14/18
Bibliothèque Forney
1 rue du Figuier, 75004 Paris
Métro : Saint-Paul ou Pont-Marie
du mardi au samedi, de 13h à 19H
Entrée gratuite
Crédits images : © Benoit Alegre