Quelle pédagogie allez-vous mettre en œuvre pour que les habitants prennent conscience de leur nouveau territoire ? Quelle communication faut-il adopter, d’après vous, pour créer une véritable identité régionale intégrant les nouvelles frontières?
Pédagogie est le terme adapté puisqu’il s’agira dans un premier temps de faire découvrir aux publics les régions voisines qu’ils ne connaissent pas toujours. L’aspect touristique et patrimonial bien sûr, qui est particulièrement riche dans la nouvelle région, mais aussi la grande diversité des cultures dont la réunion et le brassage enrichiront considérablement le territoire. La communication de la nouvelle Région devra se faire à deux niveaux : l’un global et transversal pour que chacun des 5,8 millions d’habitants connaisse et adhère au projet, l’autre plus local pour respecter la proximité indispensable à l’efficacité de toute communication publique.
Pour faire exister la région dans le cœur de ses 5,8 millions d’habitants, pour “faire région ensemble”, il faudra très vite lui trouver un nom. Un processus participatif est en cours depuis plus de six mois sur Internet pour que les citoyens fassent des propositions. Des études sont par ailleurs en cours, des propositions sont faites par des historiens, des sociétés de conseils en “naming” font des tests sur des panels représentatifs. Il appartiendra in fine à l’exécutif de trancher, à travers sans doute un groupe de travail de toutes sensibilités.
Au-delà du nom et de la communication traditionnelle que nous utiliserons pour faire découvrir nos innombrables atouts régionaux, faire vivre et grandir cette région passera avant tout par la proximité. Le Conseil régional devra être proche du terrain et apte à répondre rapidement aux attentes de tous. Chaque territoire verra le visage de la Région à travers un “élu territorial”. C’est le grand enjeu de la réforme territoriale : être capable de proposer aux territoires une politique décentralisée d’aménagement et de développement local. Nous ferons du “sur-mesure” pour chaque territoire, en fonction de ses besoins. Une sorte de DATAR* 2.0 sera mise en place pour analyser les enjeux avec tous les acteurs locaux.
Régions, Départements, Métropoles, etc. ? La loi NOTRe a-t- elle clairement fixé leur répartition ?
C’est un nouveau type de gouvernance, plus agile, que nous devons inventer, fondé sur la confiance dans les acteurs du territoire et leur association à l’action politique. Nous devrons réinventer la démocratie territoriale pour co-construire nos politiques. L’en- semble des 4 503 maires de la grande Région seront consultés pour l’élaboration du Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. J’organiserai très vite une conférence territoriale de l’action publique (CTAP), ce nouvel outil de concertation voulu par la loi NOTRe. La CTAP, présidée par le président du Conseil régional, est chargée de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics. Elle peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination, ou une délégation de compétences, entre les collectivités territoriales et leurs groupements. Co-construire les politiques publiques, c’est bien entendu donner aussi toute sa place au Conseil économique, social et environnemental régional (CESER), aux idées de la société civile, c’est renforcer les commissions, les groupes de travail, c’est responsabiliser tous les acteurs dans un souci d’efficacité au service des citoyens et de tous les territoires.
Vous êtes très engagé en faveur de la recherche technologique : pouvez-vous nous rappeler dans quelles filières votre région pourrait-elle jouer un rôle, notamment autour de projets verts et innovants ?
L’innovation était dans mon ADN en Aquitaine, ce sera toujours le cas bien entendu en tant que président de la grande Région, car l’innovation n’est pas un choix mais une nécessité. La révolution technologique et la mondialisation, qui ont pour conséquence la remise en cause de pans entiers de notre économie, nous obligent à innover et à agir avec une vision à long terme. C’est un véritable tsunami technologique qui arrive avec les technologies “NBIC” : nanotechnologies, biotechnologies avec la génomique (médecine prédictive et régénérative, impression de tissus et d’organes…), robotique et intelligence artificielle. Les incidences des NBIC seront vertigineuses sur le plan économique : le monde qui vient ne sera pas un long fleuve tranquille pour les territoires absents de ces secteurs de croissance qui feront l’essentiel de la croissance mondiale. Nous avons toutes les raisons d’être optimistes à condition d’anticiper le monde qui vient : notre région a les talents et les ressources pour accueillir sur son sol les industries du 21ème siècle. Cette vision à long terme s’incarne notamment par une forme d’aménagement du territoire indispensable : les infrastructures numériques et Très Haut Débit. Le haut débit public partout où les opérateurs privés ne vont pas est une priorité. Elle s’incarne à travers le programme “Usine du Futur” pour adapter nos entreprises au numérique, dans le soutien à la recherche que nous soutiendrons plus que jamais, dans le transfert de technologie entre universités et entreprises qui est notre méthode. Cette vision à long terme nous permettra de transformer les menaces des nouvelles technologies en opportunités de développement économique, et donc en création d’emplois. Enfin, et c’est capital, l’innovation devra être au service du développement durable et de la transition énergétique, pour préserver notre qualité de vie et notre environnement. L’enjeu de la transition énergétique ne doit pas être vécu comme une contrainte mais comme une impérieuse nécessité collective.
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