Votre commune était principalement connue pour le camp de Grande-Synthe, un terrain vague de 14 hectares qui abritait environ 2500 migrants. Quelle est votre plus grande préoccupation face à cet afflux de réfugiés?
Nous avons du agir au plus vite afin de ne plus subir la situation. Pour cela, j’ai proposé un plan d’action aux responsables de l‘Etat : la création d’un camp humanitaire. Plus de 200 enfants et femmes occupaient ce terrain vague, et avec l’hiver et les températures négatives, il fallait agir au plus vite.
L’urgence humanitaire, était donc de mettre en place un camp digne d’accueillir des Hommes dans de bonnes conditions, c’est à dire avec des sanitaires en nombres suffisants et des tentes chauffées pour être à l’abri.
Il a fallu quatre semaines de préparation avant de pouvoir reloger les familles : en attendant que ce nouveau camp soit construit, quelles solutions ont pu être apportées afin d’améliorer le quotidien des refugiés ?
Nous avons beaucoup travaillé pour mettre en œuvre ce nouveau camp : des terrassements, de l’assainissement, de la voirie, des extincteurs ont été mis en place… Quatre semaines, c’était donc un délai très court pour réaliser ce chantier.
En attendant la construction de ce camp, nous avons simplement installé quelques toilettes supplémentaires sur l’ancien terrain. Par ailleurs, MSF (Médecins Sans Frontières) a également organisé au mieux les accès aux douches. Nous avons aussi remplacé les tentes percées et trop abîmées par de nouvelles.
Cela était extrêmement sommaire mais nous ne pouvions rien envisager de mieux dans ce vaste champ de boue. L’Etat a également répondu à une urgence sanitaire avec une action immédiate : des places d’accueil ont été ouvertes dans des résidences hôtelières du nord de la France pour accueillir les personnes les plus vulnérables en cette période hivernale.
L’organisation Médecins Sans Frontières craint l’arrivée de nouveaux réfugiés sur ce camp humanitaire mais son installation ne le permet pas. Avez vous prévu un plan de secours au cas ou cela arrive ?
Non, nous n’avons absolument pas prévu de plan B. Je suis resté très clair avec les organisations comme MSF, Médecins du Monde et toutes les autres qui interviennent depuis novembre 2015 : il n’y aura pas plus de 2500 réfugiés sur le territoire de Grande-Synthe.
Nous interdisons de nouvelles implantations sur le camp sinon il sera impossible de s’en sortir! C’est bien pour cela que je suis pro- actif : pour ne pas être débordé par l’afflux de nouveaux réfugiés. 2500 c’est déjà beaucoup, nous ne pourrons pas en accepter d’autres.
Il faut que de nouveaux territoires ouvrent leurs portes pour les accueillir dans de bonnes conditions, c’est-à-dire en créant de plus petits camps plutôt que sur des zones de 3000 ou 6000 personnes comme nous pouvons le voir déjà à Calais.
Ce qui est certain, c’est que je n’accepterai plus de voir des refugiés supplémentaires venir s’implanter sur ma commune.
La préfecture a rappelé que ce camp n’avait pas vocation à se pérenniser, cependant de nombreux migrants déclarent vouloir rester sur le camp de Grande-Synthe, avez vous déjà envisagé cette option ?
Non, car ce n’est pas possible. Avec les services de l’Etat nous fonctionnons de la manière suivante :
– nous œuvrons pour la lutte contre les passeurs : il est scandaleux de savoir que des passeurs interviennent sur le camp et font payer les accès aux sanitaires aux réfugiés. Nous devons reprendre l’organisation du contrôle du camp.
– la promotion du droit d’asile.
Peut-on parler d’un bras de fer entre vous et le gouvernement depuis de nombreuses semaines? Qu’est ce qui a été si compliqué pour les convaincre d’installer ce camp ? L’aspect financier ?
Je préfère plutôt parler d’échanges. L’État ne voulait pas d’un nouveau camp sur son territoire, ce que je peux comprendre, mais le fait est que nous n’avons pas réussi à empêcher l’arrivée de ces réfugiés. Nous ne pouvons pas non plus les renvoyer dans leurs pays en guerre, c’est donc à nous de trouver une solution.
Je crois que ce camp humanitaire est la meilleure réponse que l’on puisse apporter : pour l’État, pour la ville et pour les réfugiés.
Quant à l’aspect financier, bien sûr qu’il rentre en compte… Lorsque j’ai rencontré Bernard Cazeneuve en septembre dernier, j’avais demandé une prise en charge financière, comme à Calais et il nous a assuré qu’il allait pouvoir le faire. Aujourd’hui, ce nouveau camp prend une autre dimension parce que des règles sanitaires sont respectées, ce qui entraîne des dépenses de plusieurs millions d’euros.
Vous êtes-vous concertés avec Natacha Bouchart, la maire de Calais, pour exprimer votre volonté de mettre en place un camp humanitaire ?
Pas du tout ! Je regarde depuis des années “l’aventure calaisienne” et l’implantation des réfugiés à Calais. Et c’est en observant cela, que j’ai décidé d’être pro-actif et de prendre la situation en main au sein de ma commune. J’ignore pourquoi Natacha Bouchart ne fait rien pour améliorer la situation. De mon côté, j’essaye de trouver des solutions et de les proposer au gouvernement.
Nous sommes dans l’obligation de nous occuper de ces personnes qui ont fui leurs pays. La France doit faire valoir son statut des droits de l’homme et il est important d’avoir le courage politique de faire ces propositions.
De façon plus globale, ne craignez vous pas que les Français, et particulièrement les habitants du Nord, tolèrent de moins en moins les réfugiés, comme nous avons pu le voir en Allemagne ?
Si tout est bien organisé il n’y aura pas de problèmes. De façon générale, la population n’a pas réagi de manière agressive face aux réfugiés. Si aux élections régionales, le FN a fait l’un des scores les plus faibles de l’agglomération dunkerquoise, c’est que la présence des réfugiés n’importune pas la population de la région. En revanche, ce qui pose problème et gêne les habitants, c’est la proximité et le nombre importants de réfugiés. De même pour toutes les associations qui arrivent sur la ville de Grande-Synthe et déversent des denrées alimentaires, des vêtements…
Avant que les réfugiés ne déménagent dans le nouveau camp humanitaire, le manque d’hygiène était aussi particulièrement gênant pour les résidents proches. Avec ce nouveau camp, l’organisation permet une meilleure entente entre les habitants et les réfugiés.
L’ancien camp, véritable terrain vague se situe sur un terrain, est censé devenir le lieu de construction pour bâtir un éco-quartier à partir de l’été prochain: ces travaux verront-ils le jour ?
Je l’espère ! Nous avons attendu de construire le camp humanitaire et de procéder au déménagement avant de nous atteler aux travaux de cet éco-quartier.
Nous persuadons les réfugiés de déménager sur le nouveau camp humanitaire, et ceux qui n’acceptent pas de partir seront expulsés par les forces de l’ordre. Je reprends tout simplement possession de ce terrain car les travaux pour cet été doivent commencer. De toute évidence, les conditions dans ce nouveau camp seront nettement meilleures que celles du camp actuel.