La belle voix de Jean Lebrun, avec laquelle il était si agréable de se réveiller au temps de “Culture-Matin” fait maintenant l’enchantement quotidien des auditeurs de “France-Inter” en début d’après-midi. L’homme de radio, nanti d’une solide formation universitaire, ponctue d’une érudition sans complaisance les sujets, parfois délicats pour la mémoire officielle, de “La marche de l’Histoire”. Dans l’esprit de son émission et pour enrichir celle-ci de résonances fortes, il a eu l’excellente idée de recréer l’atmosphère de certains grands débats parlementaires lors d’enregistrements publics – très courus – au Théâtre du Vieux-Colombier. Avec Isaure Pisani-Ferry, Jean Lebrun a choisi quelques uns des plus beaux moments de notre histoire parlementaire pour les insérer dans une version écrite et littéraire – car très bien contextualisée – de ces rendez-vous pédagogiques. Ainsi pourra-t-on lire à tête reposée (et garder dans sa bibliothèque) les arguments des orateurs engagés dans les grandes batailles législatives menant à l’interdiction du travail des enfants, à la séparation de l’église et de l’Etat, à la législation sur l’IVG ou à l’abolition de la peine de mort. De cette lecture naît une certitude : aujourd’hui comme hier, c’est au Parlement, parfois si décrié, que se construit la démocratie par la représentation des citoyens détenteurs de la souveraineté populaire. Depuis deux siècles, l’exercice passe par des mots, différents selon les époques. Mais les rêves d’une société meilleure sont toujours passés par des efforts d’éloquence, mettant en scène l’affrontement de la passion et de la raison utile. De loin perçus comme des querelles byzantines sur le sexe des anges, les controverses ont en effet leur hiérarchie.
Certaines ont parfois l’air de porter sur des sujets insignifiants qui cachent pourtant, parfois, d’authentiques problèmes. Quant aux “grands débats”, il est presque de l’ordre du cliché que d’avancer qu’ils ont transformé la société par les lois engendrées, attirant souvent le regard des autres pays sur le nôtre, si longtemps perçu comme un modèle. Tout cela, évidemment, devrait aller sans dire en République. Mais d’où vient l’étrange sentiment qu’il vaut mieux, en ce moment, rappeler l’Histoire et défendre la noblesse des “mots de la politique” ? Les élus de tous bords pourront remercier Jean Lebrun et à Isaure Pisani-Ferry de cet éclairage pédagogique montrant que les femmes et les hommes qui siègent de nos jours ne sont pas des enfants trouvés. Ils ont eu de beaux ancêtres dont il leur faut savoir se montrer maintenant les dignes héritiers.
Les grands débats qui ont fait la France
Jean Lebrun
Isaure Pisani-Ferry
Flammarion
408 pages
20 €