Il se confirme en 2012 qu’une période d’élection présidentielle ne constitue pas le bon moment pour parler d’Europe. Dans notre débat forcément franco-français, l’enjeu européen ne peut que se focaliser que sur des alternatives simples pour ne pas dire simplistes. Du type : “Faut-il ou non sortir de l’euro ?” ou “Est-il possible de renégocier les plus récents traités ?”, voire “Peut-on revenir sur l’espace Schengen ?”.
Ce sont de vraies questions mais elles se situent en deçà du véritable enjeu qui est tout simplement l’avenir de l’Union européenne. Jamais cette interrogation n’a semblé plus légitime et d’actualité.
Depuis 2005 et le résultat négatif des référendums organisés, en France et dans d’autres pays, pour l’approbation d’une véritable constitution, les populations n’ont plus été consultées à propos des traités. Ainsi s’est d’abord élargi le fossé entre les partisans d’une “Europe idéale” édifiée par une petite élite et des peuples plutôt “eurosceptiques”. La crise des dettes publiques nous a ensuite montré que la monnaie unique n’a pas joué le rôle que lui avaient assigné François Mitterrand, Helmut Khol et beaucoup d’autres que l’on n’entend plus. Celui de permettre une “avancée européenne” décisive. Ces deux échecs forment deux réalités. Historiques et incontournables. Elles conduisent à se demander si l’euro peut continuer à exister sans convergence des politiques économiques et fiscales des pays de la zone monétaire, alors que le fédéralisme et les abandons de souveraineté provoquent tant de craintes.
L’Europe fait-elle encore rêver les habitants de notre continent ? Pour le savoir, il faudrait au minimum qu’il y ait débat. Malheureusement, celui-ci est toujours plus ou moins escamoté lors des rendez-vous électoraux, la course à l’Élysée ne faisant pas exception.
Au premier trimestre de cette année, plusieurs évènements touchant l’édifice communautaire n’ont été qu’à peine évoqués en France. Ne citons que le changement de président de la République en Allemagne, la confirmation d’un véritable sentiment antieuropéen au Benelux, le débat virulent autour du “modèle nordique” en Suède ou l’élection de Martin Schultz au “perchoir” du Parlement européen. Certes les discussions autour de la Grèce, au niveau des chefs de gouvernement et de la BCE, ont beaucoup occupé l’actualité. Mais sans que l’on s’attarde trop aux approches sur ce thème de la Commission de Bruxelles ou aux débats du Parlement de Strasbourg, toujours aussi peu couverts par les médias télévisés français.
En un mot comme en cent, le repli sur les intérêts nationaux est visible un peu partout. On pourrait en prendre acte sans autre forme de procès si derrière l’éternelle question, presque philosophique, “Faut-il plus ou moins d’Europe ?”, ne s’en cachait une autre, très prosaïque : à quoi vont bien pouvoir servir toutes les institutions lourdes et coûteuses mises en place au cours des décennies précédentes si les Européens ne croient plus à leur utilité ?