Nous échapperons peut-être en 2012 – mais est-ce bien sûr ? – à ce qui fut l’une des plaies de la Présidentielle de 2007 : ces grands plateaux de télévision où trop de supposés “vrais gens” venaient parler de tout et de rien avec les postulants au fauteuil élyséen. C’était tout juste, à cette époque, si l’on ne s’attendait pas à voir un citoyen inquiet demander à un candidat de ce qu’il comptait faire pour réparer son chauffe-eau défectueux.
Entendons-nous bien. Il reste très nécessaire qu’une compétition présidentielle ne se déroule pas uniquement dans le ciel des idées et aborde au plus près les réalités concrètes. Mais il convient en même temps, si l’on ne veut pas qu’elle tourne à un soulant bavardage, qu’elle se situe au niveau de la fonction dont il s’agit de désigner le titulaire.
De quoi faut-il débattre dans une campagne présidentielle ? En tout premier lieu, de politique étrangère au sens large. Les futurs équilibres de l’Europe et de la zone euro engagent plus que jamais nos destins. Non seulement les normes communautaires régissent notre vie quotidienne mais encore les engagements pris, au nom de la France dans les conseils européens, par le chef d’État élu ou réélu en mai prochain seront en tous domaines les plus déterminants. Ne serait-ce que parce que nous sommes prisonniers d’une union monétaire qui fonctionne mal.
La théorie du “domaine réservé” (politique étrangère et défense) du président de la République sous la Ve n’a rien perdu de sa pertinence. Au cours du prochain quinquennat, l’hôte de l’Élysée sera moins que jamais “l’hyperprésident” que d’aucuns souhaitent et d’autres redoutent. Son action sera pour une large part dépendante des avancées ou des reculs de l’entente entre partenaires de l’Union européenne ainsi que du contexte plus général de la sécurité internationale et du fonctionnement de l’économie globalisée. Lié au précédent, le second grand thème du débat autour de la magistrature suprême doit donc porter sur la fiscalité.
La démocratie moderne a été inventée pour que le peuple souverain s’exprime, par ses représentants, sur le bon usage et la destination des impôts. Directs ou indirects, locaux et nationaux, assis sur le pétrole, l’essence, la cigarette, le loto, le chou-fleur ou l’écran plat… Car c’est avec l’argent des impôts que se mènent toutes les politiques, quel que soit le chapitre : social, éducatif, militaire, industriel, culturel, etc.
Dans un pays aussi centralisé que le nôtre, le bon ajustement des prélèvements de la collectivité sur la quantité de richesse produite par les citoyens ne peut être arbitré qu’au sommet de l’État. Chaque fois qu’un candidat exprimera sa doctrine à ce sujet, il se placera à la hauteur de la fonction qu’il brigue.
Aborder sérieusement ces deux questions – politique étrangère (englobant la question européenne) et fiscalité – éviterait ainsi de compliquer la campagne en évoquant quantité d’autres préoccupations légitimes mais n’entrant pas directement dans la mission confiée par les Français à un président de la République qui ne saurait être compétent en tout. On pourrait alors réserver quantité de sujets dits “de société” aux rendez-vous électoraux suivants, notamment les très proches législatives. Il faut, pour une bonne architecture démocratique, laisser du “grain à moudre” au Parlement.