Pour le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, le gouvernement crée des “écrans de fumée” et les ministres ne “répondent que rarement aux questions posées”. Dénonçant la “cacophonie” et la “politique de bout de ficelle”, il considère qu’une nouvelle organisation territoriale doit être proposée aux Français lors de la prochaine élection présidentielle.
L’UMP se montrant circonspecte à propos des manifestations de rue, pensez- vous que le groupe parlementaire soit le véritable fer de lance de l’opposition au gouvernement ?
Les deux ne sont pas incompatibles. Libre aux parlementaires de participer aux réactions populaires sans pour autant chercher à les récupérer ou en prendre l’initiative. Jacques Chirac l’avait fait notamment lors des manifestations pour l’école libre, tout comme l’UMP récemment contre le mariage et l’adoption des couples de même sexe : d’ailleurs, si ce texte a pris une ampleur particulière, c’est justement parce qu’il était débattu au sein du Parlement en mobilisant toute l’opposition, qui s’est même montrée force de proposition. Si l’on gagne la prochaine élection présidentielle, je souhaiterais que cette loi soit rediscutée au profit de l’union civile, qui permet aux couples homosexuels de protéger leurs droits tout en étant reconnus, sans que la notion de “mariage” n’ouvre la voie à l’adoption.
“Les Français veulent avant tout avoir des élus compétents et efficaces.”
Certaines de vos prises de position récentes, visant notamment le Premier ministre, ont été particulièrement virulentes. Considérez-vous que la période pré-municipale doit être utilisée à plein pour mener le combat contre la majorité actuelle ?
Ce ne sont pas les municipales qui génèrent ce climat, mais les dix-huit mois d’action – ou d’inaction – d’un gouvernement qui laisse partir les comptes publics à la dérive. Lorsque nous étions en responsabilité, les deux dernières années budgétaires (2010-2011) ont été conduites dans le respect le plus strict de la loi de finances initiale. Outre le refus du pouvoir actuel de faire une loi de finances rectificative qui aurait permis de dresser un constat de la situation, on assiste à une baisse des recettes alors que la charge des impôts a augmenté de 50 milliards d’euros ! Une asphyxie totale de l’économie, révélatrice des dysfonctionnements internes au sein de la majorité : faute de cap, le Premier ministre se voit de plus en plus contesté, y compris dans son propre camp.
“Le gouvernement préfère faire diversion plutôt que répondre aux préoccupations majeures des Français.”
Vous avez accusé le gouvernement de multiplier les sujets sociétaux pour faire diversion. Pouvez-vous nous citer quelques cas flagrants ?
Entre la loi de mariage et d’adoption pour les couples homosexuels, celle sur la famille ou encore le retour de la PMA et de la GPA, les moyens de détournements ne manquent pas. Au lieu de répondre aux préoccupations majeures que sont l’école, le chômage et la sécurité, le gouvernement préfère faire diversion avec les lois Cahuzac, la transparence, le cumul des mandats : autant de sujets sur lesquels les Français ne l’ont jamais sollicité.
Le groupe parlementaire UMP de l’Assemblée n’a, contrairement à celui du Sénat, que peu de contacts avec les communistes, le Front de gauche ou les écologistes, formations très souvent tentées par le désir de “faire la leçon” au gouvernement. Comment expliquez-vous cette différence ?
La raison est très simple : au Sénat, les socialistes ont la majorité relative alors qu’au Palais Bourbon elle est absolue. Voilà toute la différence.
Estimez-vous que les droits de l’opposition sont bien respectés au Palais Bourbon ?
Si la réforme de la constitution de 2008 a permis des avancées importantes sur la reconnaissance des droits de l’opposition et du Parlement, la majorité continue de dénaturer systématiquement les propositions de commissions d’enquête en y apposant des amendements. En témoigne le scandale sans précédent de l’affaire Cahuzac, sur laquelle le gouvernement a cherché à tirer un écran de fumée jusqu’à la dernière seconde.
“La décentralisation mérite d’être traitée avec pragmatisme et bon sens.”
Quant aux questions d’actualité, force est de constater que les ministres ne répondent que rarement aux questions qui leur sont posées, lorsqu’ils ne renchérissent pas dans la provocation ou l’insulte. Une attitude dont pâtit immanquablement le débat démocratique.
Plusieurs voix au sein de l’UMP se sont élevées contre la loi interdisant le cumul des mandats en prophétisant le retour au statu quo lors du prochain changement de majorité. Est-ce que cela vous paraît conforme aux attentes de l’opinion ?
Il est évident qu’il faudra revenir sur cette loi en supprimant l’interdiction pour les maires d’être députés ou sénateurs. Les Français veulent avant tout avoir des élus compétents et efficaces. C’est pourquoi vous verrez qu’aux prochaines municipales, les députés-maires de gauche comme de droite seront plébiscités malgré leur double mandat.
Jean-François Copé propose que la future majorité, si elle est conforme à vos vœux, introduise un certain nombre de réformes par ordonnances. Est-ce que cela n’impliquera pas un effacement du Parlement ?
Non, à condition que la procédure se fasse dans la foulée des élections présidentielles et législatives, suscitant l’expression populaire au suffrage universel sur les sujets de fond.
Le gouvernement comme l’opposition semblent éprouver des difficultés à définir de nouveaux schémas en matière de décentralisation, en particulier au sujet de la simplification du fameux “mille-feuilles” administratif. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
La décentralisation mérite d’être traitée avec pragmatisme et bon sens et non pas dans la cacophonie actuelle, entre ceux qui veulent réduire le nombre de députés, supprimer le Département, la Région, etc. Illisible, inefficace et coûteux, le système doit impérativement être remis à plat au sein d’une proposition de structuration d’organisation territoriale. Il faut sortir des politiques de bouts de ficelle et faire voter la réforme par les Français dans le cadre de la présidentielle de 2017 !
Propos recueillis par Jean-François Bège et Pauline Pouzankov