Du 9 au 13 juin 2025, Nice a accueilli la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC 3), co-organisée par les gouvernements de la France et du Costa Rica. Ce sommet international s’inscrit dans la continuité des rendez-vous de New York (2017) et Lisbonne (2022). L’ambition ? Accélérer l’action collective pour la mise en oeuvre de l’Objectif de développement durable n°14 : conserver et exploiter durablement les océans, les mers et les ressources marines.
Le choix de Nice en tant qu’hôte du sommet résonne particulièrement compte tenu de sa proximité avec la mer, que Jules César avait nommée la « Mare Nostrum ». Aujourd’hui, la Méditerranée n’est autre que le signal d’alarme d’une urgence devenue globale. 32 000 bouteilles de plastique y sont jetées chaque minute. Elle se réchauffe 20 % plus vite que n’importe quel autre bassin maritime ou océanique.
Le fléau de la surpêche
La consommation mondiale de poisson, elle aussi, a été multipliée par neuf depuis 1950. En France, la moyenne se situe à 32 kg par an et par personne, soit quatre fois les recommandations de l’OMS. Nous devrions, en réalité, n’en consommer qu’une fois par semaine. De quoi mettre les écosystèmes marins sous tension, notamment en raison de pratiques comme le chalutage de fond, particulièrement destructeur pour les habitats marins. Sans oublier le « bycatch » (la prise accidentelle), un phénomène dont l’ampleur s’élèverait à 7 voire 10 millions de tonnes de poissons par an, à en croire la Commission européenne.
Le double standard sur l’effectivité de la protection des aires marines protégées
Une aire marine protégée est un espace délimité en mer afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosytémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. Cette qualification existe depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992.
Actuellement, 33 % de notre ZEE (Zone économique exclusive, deuxième plus importante du monde après celle des Etats-Unis) sont classés « aires marines protégées ». Seulement d’après le CNRS, 1,6 % sont en réalité totalement interdits à la pêche industrielle et donc au chalutage de fond. Lors du sommet de Nice, le président Macron s’est engagé à étendre cette aire marine protégée à 78 % de la ZEE.
Reste à savoir si ce sommet permettra la ratification par au moins 60 États – nécessaire à l’entrée en vigueur en 2026 du traité sur la haute mer (Biodiversity Beyond National Juridiction) – après plus de quinze années de négociations. Cet accord est d’autant plus crucial qu’il conditionne la réussite de l’objectif mondial de protéger 30 % des océans d’ici 2030, adopté à la COP15 biodiversité (Kunming-Montréal, 2022). Minna Epps, directrice du programme Océan de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), rappelle que les « deux tiers de l’océan se situent au-delà des juridictions nationales, soit la moitié de notre planète. Il est impossible de protéger 30 % de l’océan sans inclure la haute mer ».
Le « septième continent plastique »
Les débats furent aussi l’occasion de mettre d’autres sujets sur la table : à commencer par la pollution des espaces marins. Si aucune mesure drastique n’est prise rapidement, il pourrait bientôt y avoir plus de plastique que de poissons dans nos mers d’ici 2050… sachant que 90 % de ce plastique y est déjà à l’état de microplastique, invisible à l’oeil nu. Il résulte notamment de la dégradation du nylon et du polyester présents dans les vêtements. En ce sens, le sommet de Nice se veut une étape cruciale avant la prochaine réunion sous l’égide des Nations unies en août 2025 à Genève, où l’objectif sera de conclure un traité international contre la pollution plastique en mer.
Deep Sea Mining : une fausse bonne idée
De par leurs conditions extrêmes (absence de lumière, forte pression), les fonds marins sont des espaces préservés, bénéficiant encore de roches riches en ressources, composées de manganèse, de cobalt, de cuivre ou de nickel entre autres. À l’heure de la transition énergétique et de l’El Dorado de l’électrification, de nombreux acteurs privés et gouvernements souhaiteraient capitaliser sur ces ressources qui n’appartiennent à personne. Alors qu’elle était sur le point de lancer des forages dans ses eaux, la Norvège a reculé sous la pression d’une mobilisation intense et d’une pétition signée par plus de 600 000 personnes. La Maison Blanche, quant à elle, estime que ce secteur pourrait générer 300 milliards de dollars et créer 100 000 emplois en 10 ans.
Sauf que l’extraction minière des fonds marins pourrait surtout libérer des puits de carbone capables de réchauffer l’atmosphère à des dimensions plus élevées que ce que la France émet chaque année en tant que septième puissance mondiale. Ce qui l’amène à plaider, avec le soutien de scientifiques et de nombreuses ONG, pour une pause immédiate sur toute activité d’exploitation, dans l’attente de connaissances scientifiques suffisantes et de règles environnementales plus strictes.