Les militants de l’UMP peuvent-ils enfin espérer l’union et un apaisement durables au sein de leur parti ?
Je le souhaite de tout mon cœur. Ce ne sont pas seulement les militants qui attendent l’apaisement à l’UMP mais tous les Français, qui savent qu’une grande démocratie comme celle de la France a besoin d’une opposition en ordre de marche. Je souhaite donc que l’UMP soit rapidement en mesure d’être audible à nouveau et capable de présenter un itinéraire crédible de sortie de crise de notre pays. Cela nécessitera beaucoup de sagesse et que, de certains côtés, on s’intéresse davantage à l’avenir de la France qu’à sa propre carrière. La situation très sérieuse du pays qui s’aggrave de jour en jour doit inciter tous ceux qui ont des responsabilités à l’UMP à se hisser à la hauteur des enjeux.
Vous étiez engagé auprès de François Fillon, comment avez-vous personnellement vécu le psychodrame qui a opposé les deux candidats à la présidence de l’UMP ?
Très mal. Je peux vous avouer que même dans mes pires cauchemars je n’avais pas imaginé une telle pantalonnade. Cela dit, pour bien connaître les questions militaires, j’aurais dû savoir que les guerres civiles sont toujours les plus cruelles…
L’Association des Amis de Nicolas Sarkozy peut-elle contribuer à remotiver les militants ?
Sans doute en partie, car l’ancien président de la République continue de bénéficier d’une forte côte d’amour auprès d’un bon nombre de nos militants. Peut-elle nous aider à préparer l’avenir ? Pourquoi pas ? Mais à condition qu’elle s’autorise à débattre du passé, de ce que nous avons réussi sous Nicolas Sarkozy, mais également de ce que nous avons moins bien réussi, voire des erreurs qui ont pu être commises.
Croyez-vous en un retour possible de Nicolas Sarkozy ?
Le mot impossible n’existe pas en politique. Nicolas Sarkozy est un homme extraordinairement intelligent, travailleur et courageux, mais qui a su se faire cordialement détester, ce qui est parfaitement injuste. Saura-t-il se faire aimer à nouveau, lui qui ne souhaitait pas l’être ? Je n’ai pas la réponse à cette question. Cela étant, l’Histoire enseigne que ce genre de retours est rarissime car généralement elle ne repasse pas les plats.
Vous revendiquez une sorte de droit d’inventaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Est-ce pour mieux tirer les leçons du passé et sortir de cette spirale de l’échec électoral dans laquelle votre parti est emporté depuis 2007 ?
J’ai non seulement revendiqué un droit d’inventaire depuis de nombreux mois, y compris au bureau politique de l’UMP et ce à plusieurs reprises. Mais j’ai aussi revendiqué un devoir d’inventaire. La raison en est simple. Compte tenu de la gravité de la situation du pays, il nous faut impérativement résister à la tentation de croire que le gouvernement socialiste actuel s’effondrera de lui-même sous le poids de ses propres erreurs et de ses propres contradictions, et qu’il nous suffira en quelque sorte d’attendre que le fruit mûr tombe de l’arbre en 2017. Ma conviction est exactement à l’opposé. Je n’ai nulle intention de revivre à l’envers la campagne de 2012 où François Hollande a été élu uniquement sur le rejet de la personne de Nicolas Sarkozy, sans le moindre programme cohérent pour le pays. Pour sortir la France de la crise, il nous faut impérativement réunir un consensus autour d’un nouveau contrat social, d’un nouveau modèle économique, d’une nouvelle conception de l’identité nationale. Toutes choses qui ne peuvent résulter que d’une analyse approfondie non seulement des maux de notre pays (que nous connaissons !), mais également des itinéraires de sortie de crise que nous n’avons pas toujours eu le courage de mener jusqu’au bout : je pense par exemple aux 35 heures que nous n’avons pas su supprimer, en nous contentant de les contourner par les heures supplémentaires ; je pense à la simplification des normes et du code du travail que nous avons à peine esquissés ; je pense au financement de la protection sociale que nous n’avons réformé que très tardivement (et comme vous le savez tout cela a été démantelé depuis par les socialistes) ; je pense à la réduction des dépenses publiques que nous avons ébauchée avec la « révision générale des politiques publiques » et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux… Le chantier national, c’est la baisse des dépenses publiques – nous sommes dix à quinze points au-dessus de la moyenne européenne – et donc la baisse des impôts qui étouffent notre économie. Sur tous ces points, nous ferions bien de « cultiver notre jardin » comme disait Voltaire.
Le nouvel organigramme de l’UMP avait-il besoin d’être aussi important ? On compte plus d’une centaine de personnes entre l’équipe dirigeante et les conseillers politiques. Comment réussissez-vous à faire entendre votre voix dans cette armée mexicaine ?
C’est en effet une armée mexicaine ! Et je le regrette. Ce n’est pas comme cela que l’UMP regagnera sa crédibilité. Cela dit, je reste pour ma part membre du bureau politique et j’essaie d’y faire entendre ma voix, comme j’essaie de faire entendre ma voix au groupe UMP de l’Assemblée nationale. Mais pour vous dire la vérité, le plus important pour moi est d’aider François Fillon à incarner la reconquête en vue de 2017.
On sent le désir d’y maintenir un équilibre entre les pro-Copé et les pro-Fillon. Mais n’est-ce pas illusoire dès lors que François Fillon se place déjà dans la perspective de 2017 avec son projet de redressement national ?
Cet équilibre ne doit pas être illusoire. Il doit permettre au parti de préparer correctement l’élection de son président à l’automne. Pour le reste, François Fillon a raison de se concentrer sur la reconquête du pays. J’ai suggéré que la France devrait évoluer sur ce point. L’un des problèmes de l’UMP c’est d’avoir été, depuis sa création, une machine uniquement tournée vers la conquête de l’Élysée au service d’un seul homme, ce qui a amené notre machine politique à ne pas faire le travail nécessaire d’identification et de formation des équipes politiques dans bon nombre de villes, de départements et de régions. Nous avons perdu pied depuis ces dernières années. Je crois donc qu’il y a un vrai « job » dans la reconstruction du parti, d’abord tourné vers le maillage politique du pays et qu’il y a une autre compétition, distincte, qui vise à sélectionner le candidat à la présidentielle. Pour moi les nouveaux statuts de l’UMP devraient explicitement prévoir que le président du parti ne sera pas le candidat de l’élection présidentielle, lequel sera choisi de façon beaucoup plus moderne par des primaires à l’américaine ou même à l’exemple des socialistes français. Ce serait là une façon intelligente, me semble-t-il de sortir définitivement de l’impasse dans laquelle nous nous sommes mis nous-mêmes l’an dernier, en confondant l’élection du président de l’UMP et la primaire prévue en 2016.
Des primaires pour la mairie de Paris peuvent-elles être un test sur la fin des conflits internes ?
Certainement. Elles montrent que le choix du candidat de la mairie de la capitale de la France n’a rien à voir avec le contrôle ou la domination de la machine nationale.
Vous souhaitez que tous soient derrière Nathalie Kosciusko-Morizet, n’est-ce pas un vœu pieux dès lors que Brigitte Kuster, maire du XVII, avoue « Nous sommes nos pires ennemis » et que Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement, dénonce une « candidature médiatique » ?
J’ai souhaité qu’il y ait de vraies primaires. J’ai accueilli très favorablement la candidature de mon ami et suppléant Jean-François Legaret (maire du 1er arrondissement de Paris et président du Groupe UMPPA au Conseil de Paris) car c’est ainsi qu’on assurera le maximum de légitimité au vainqueur de la primaire et qu’on sera en mesure de présenter devant les Parisiens des idées nouvelles susceptibles de recueillir leur intérêt, et de montrer pour une fois que la droite parisienne peut aussi avoir des idées et des talents.
NKM aura-t-elle la possibilité d’apporter un salutaire bol d’air pur à Paris et à l’UMP ?
Si elle gagne la primaire, sans doute. Elle bénéficie d’un bon nombre d’atouts, le fait d’être une femme, d’être jeune et d’être déjà très expérimentée, le fait de correspondre à la nouvelle sociologie parisienne. Cela dit, la route est longue, il lui faudra reconquérir un grand arrondissement de Paris et le mode de scrutin (20 élections et non pas une) ne nous avantage pas.
Les Amis de Nicolas Sarkozy veulent mettre en lumière ce qu’a été son action au niveau international. François Hollande peut-il prétendre au même rayonnement de la France ?
Il est trop tôt pour juger de la politique étrangère de François Hollande. Son action au Mali, bien que nécessaire, est risquée ; sa politique européenne, heurtée et contradictoire ; ses relations avec la Russie, empreintes de défiance. Il n’est guère audible auprès des grands émergents comme il ne l’est pas davantage au Proche-Orient. Mais encore une fois, il est probablement un peu tôt pour juger et le comparer avec Nicolas Sarkozy qui, lui, avait su s’imposer très fortement sur la scène internationale.
L’absence des bonnes relations entre la chancelière allemande et le président français ne pénalise-t-elle pas le fragile équilibre européen ?
Je m’inquiète depuis le début de la campagne présidentielle de la relation franco-allemande. La gauche a été traversée par des relents antigermaniques plus que regrettables que les Allemands n’ont pas oubliés, et parfois par des personnalités qui sont maintenant au gouvernement. Je pense à Arnaud Montebourg par exemple. Le discours guignolesque de François Hollande sur la « renégociation » du traité budgétaire européen et sur son soi-disant « pacte de croissance » n’ont rien fait pour améliorer notre crédibilité en Allemagne, pas plus la tentative du président Hollande d’isoler sa chancelière en parlant directement au SPD et d’isoler l’Allemagne en faisant alliance avec les pays les plus endettés du sud de l’Europe. Une alliance des fauchés contre le premier de la classe n’est pas une bonne idée. Je note aussi qu’aussi bien à Londres qu’à Berlin, on regarde la France avec inquiétude, ce qui en effet m’inquiète.
Après les municipales, les élections européennes pourraient témoigner du renouveau de l’UMP. Mais la crise économique ne risque-t-elle pas d’attiser un populisme antieuropéen et de favoriser le Front national ?
Je suis là aussi inquiet de la montée des populismes partout en Europe depuis plusieurs années mais également en France. Doit-on rappeler qu’il y a vingt ans, le traité de Maastricht était passé in extremis, qu’il y a huit ans le peuple français avait rejeté le traité constitutionnel et que les thèmes de renationalisation des choix économiques sont remontés en force aussi bien à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche. Jusqu’à présent, nous avons été protégés d’une vague populiste par l’espoir que l’alternance politique produirait des réponses à la crise. C’est du moins ce qu’avait prétendu le candidat François Hollande. Aujourd’hui, cette digue là a sauté et le président bat tous les records d’impopularité après huit mois de mandat. Il faut donc craindre un effet domino des crises politiques, emportant les différents États européens les uns après les autres, et venant au bout de la route exploser en France à un moment ou à un autre. Raison de plus pour rapidement doter l’UMP de réponses crédibles à l’angoisse des français.
Vous présidez le groupe de travail de la Commission des Affaires étrangères sur la situation au Sahel, vous êtes également membre du Groupe Amitié France-Mali. Quelle est votre analyse sur l’engagement de la France et les moyens qu’elle met en œuvre pour aider le Mali à reconquérir son intégrité territoriale ? Ne risquons-nous pas d’être engagés dans un conflit de longue durée ?
J’ai soutenu, comme l’UMP, la décision du président de la République d’intervenir contre les colonnes terroristes qui se dirigeaient vers le sud du Mali le 11 janvier dernier, de même que nous sommes totalement derrière nos soldats engagés dans une opération extrêmement difficile au Nord-Mali. Cela étant, je ne vous cacherai pas que cette opération est lourde de risques, compte tenu des objectifs extrêmement ambitieux qui ont été fixés par le François Hollande et en face des moyens militaires et diplomatiques qui ont été mis en œuvre jusqu’à présent. La première difficulté est d’ordre militaire. Clairement, nous sommes passés à une deuxième phase de la guerre qui est celle d’un conflit asymétrique, face à une guérilla très déterminée. Il faut donc s’attendre à ce que ces opérations durent et qu’elles se traduisent par des attentats, y compris dans les villes qui ont été récemment libérées par les forces françaises. La difficulté est accrue par l’immensité du territoire. Le Nord-Mali est plus grand que la France, et le Sahel aussi étendu que l’Europe. Difficulté qui est encore aggravée par la présence d’otages français détenus par les terroristes que nous combattons.
La deuxième difficulté est d’ordre politique. J’étais à Bamako fin décembre quelques jours avant l’intervention de l’armée française et j’ai pu constater que les institutions maliennes en tant que telles sont à reconstruire de fond en comble puisque à l’issue du coup d’État qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) il y a an, les institutions maliennes actuelles (président, gouvernement, parlement) ne sont que transitoires ; et règne encore officieusement sur Bamako un capitaine putschiste du nom de Sanogo. À côté donc de la guerre qu’il convient de gagner, il nous faudra aussi pour reconquérir, comme le dit le président de la République, la totalité de l’intégrité territoriale du Mali, amener les Maliens à un processus électoral et au-delà à un processus de réconciliation politique avec les Touaregs du Nord-Mali. Les expériences de la guerre d’Irak et de celle d’Afghanistan montrent que les opérations militaires à elles-seules, sont non seulement très longues, mais qu’elles ne parviennent guère à réconcilier des factions ethniques ou religieuses dont la rivalité s’inscrit dans la longue durée. Je pense aux Chiites et à la minorité sunnite d’Irak ou encore aux Pachtounes en Afghanistan (40 % de la population de ce pays) qui fournissent l’essentiel des combattants talibans. Alors oui, il y a un risque d’enlisement singulièrement accru par le fait que dans cette guerre nous sommes bien seuls ! Jusqu’à présent, la diplomatie française n’est pas parvenue à organiser autour de nous une coalition efficace. L’Europe est très peu présente, c’est une litote ; l’Amérique ne nous aide que de loin, par des ravitailleurs et par des drones (guère plus), quant à la montée en puissance de la MISMA, c’est-à-dire la force africaine mandatée par l’ONU, j’ignore à ce stade quand elle sera en mesure de tenir les villes du Nord-Mali libérées par l’armée française. Reste enfin la reconstitution de l’armée malienne, dont l’Europe est supposée s’occuper mais qui prendra nécessairement du temps, sans doute deux à trois ans. Pour l’instant, l’Union européenne a débloqué 50 millions d’euros pour cette mesure, ce qui correspond, à la moitié du coût d’opération mensuelle de l’armée française au Mali… La solitude de la France dans cette affaire est donc un problème, compte tenu de la difficulté de l’opération, et encore une fois des objectifs très ambitieux qui ont été fixés par le président de la République.
Que pensez-vous de la position, disons un peu en retrait, des États-Unis dans ce combat contre les islamo-djihadistes ?
Elle ne me surprend pas. Depuis le retrait d’Irak et bientôt celui d’Afghanistan, l’Amérique d’Obama s’oriente vers une sorte de repli stratégique théorisé par la formule « Leading from behind » (diriger par l’arrière) ainsi que par la notion de « pivot » qui fait porter l’essentiel de l’effort militaire américain en direction de l’Asie. Ajoutez à cela qu’en raison des réductions budgétaires, le budget du Pentagone va être amputé d’au moins 10 % dans les années à venir et vous aurez un tableau d’une Amérique qui n’est plus encline à se poser partout et à tout moment en gendarme du monde. Elle attend au contraire que ses alliés s’occupent de « situations régionales » sans prendre elle-même le risque de déploiement militaire au sol. L’ennui c’est que, hélas, ce déploiement, nous sommes seuls à le faire au Mali…