En apportant le vote de ses amis à la coalition de gauche dressée contre Michel Barnier, Marine Le Pen a voulu montrer un peu plus qu’une capacité de nuisance : une vraie rage destructrice. A l’évidence, le message ne s’adressait pas seulement à ceux qui étaient censés en être les destinataires, à savoir le président de la République, le Premier ministre et les élus du « bloc central ». Il constituait aussi une forme de défi visant la représentante du ministère public lors du récent procès dit des « attachés parlementaires européens ». Dans ses réquisitions, celle-ci avait en effet demandé une peine d’inéligibilité applicable dès le prononcé du jugement attendu en mars prochain.
L’exhortation subliminale de l’héritière de Jean-Marie Le Pen à une Justice plus respectueuse des élus ayant reçu l’onction du suffrage universel aura donc entraîné plusieurs conséquences. La plus évidente aura été faire voler en éclats une idée reçue. Celle qui voulait que les extrémistes de gauche et de droite ne sauraient s’entendre entre eux. Le jeu de massacre du 4 décembre restera donc dans les annales du n’importe quoi démocratique, quelque chose comme l’une des premières manifestations d’un « trumpisme » franchouillard.. Qualifiée bien à tort de « journée historique », cette tragi-comédie aura vraiment manqué de grands acteurs pour s’inscrire dans l’Histoire parlementaire. Aucun orateur n’a été vraiment talentueux et c’est tout juste si l’on pouvait accorder une note un peu au-dessus de la moyenne à Laurent Wauquiez et Boris Vallaud. Impossible, au vu du débraillé vestimentaire et langagier de certains, de s’imaginer vivre des instants solennels. Dans cette ambiance de chahut adolescent, le dernier message de Michel Barnier aura souffert, en dépit de réelles qualités de fond, d’être prononcé par un chef de gouvernement resté très digne mais épuisé et mal préparé à voir détruit si vite l’édifice de compromis qui eût pu constituer le couronnement d’une belle carrière politique.
Les députés, n’en déplaise aux antiparlementaristes qui voient en eux une caste à part, sont les fidèles représentants des Français. Leur infantilisme dit sans doute quelque chose de notre société fracturée, inégale et travaillée par les courants d’opinion divers et ébouriffants issus des réseaux sociaux. Le non-cumul des mandats déresponsabilise par surcroît des élus épuisant leurs énergies en case clos. On songe à Chamfort disant en substance que l’on ne peut rien avec l’intelligence, peu avec l’esprit et tout avec le caractère. Il faut maintenant à Matignon, homme ou femme, quelqu’un dont le volontarisme au service de l’intérêt général finira par imposer le respect à court et moyen terme. A condition de savoir parler en adulte, dans et hors l’hémicycle, à des Français qui ne demandent qu’à vivre dans une démocratie apaisée, sans trop d’agitateurs stériles et autres marchands de peur. Ne désespérons pas !