Le chef du gouvernement s’est efforcé, le mardi 3 décembre à la télévision, de « chiffrer » le coût de la censure. Un exercice en forme de « dernière carte » dont il ne faudrait surtout pas sous-estimer la valeur pédagogique car les réalités décrites ne sont pas susceptibles de disparaître avec un simple changement de locataire à Matignon.
Le Premier ministre a expliqué aux Français que, pour dix-huit millions d’entre eux, la chute du gouvernement pourrait entraîner une augmentation des prélèvements sur leurs revenus. « D’autres, a-t-il ajouté, paieront des impôts pour la première fois » : il ne sera pas possible en effet d’utiliser le mécanisme d’indexation du barème en fonction de l’inflation qui a été prévu dans le budget. Autres perspectives néfastes : le retour de l’instabilité ministérielle susceptible de dégrader l’image de notre pays et donc d’entraîner une hausse des taux d’intérêts et l’aggravation de la dette.
Le risque d’une crise financière succédant à la crise politique est bien entendu mis en avant.Le plan de financement de la Sécurité sociale comprend par ailleurs des mesures qui ne seront pas faciles à remplacer dans l’urgence par les « lois spéciales » préconisées par les adversaires du chef du gouvernement.
La veille de l’intervention télévisée du chef du gouvernement, d’autres voix se sont fait entendre sur le même thème. Notamment celle du ministre des armées Sébastien Lecornu. Selon lui, l’absence de loi de finances et la reconduction automatique de la précédente signifie renoncer à la hausse de «3,3 milliards d’euros» du budget de la défense. Dans un long message posté sur X (ex-twitter) lundi 2 décembre, il confie que cela aurait des «conséquences très concrètes pour nos armés, (…) et pour nos industriels français de défense» notamment l’«impossibilité immédiate de revaloriser (le) solde» des militaires ainsi que celle de «recruter les 700 effectifs supplémentaires prévus» ou encore de «financer les efforts de modernisation prévus».
Le problème est en effet crucial pour ce qui concerne les financements pluriannuels, pour ce qui concerne la cyberdéfense, le futur porte-avions et les sous-marins. Une année perdue ne peut se rattraper, a fortiori dans une période de forte tension internationale.
A l’image de Sébastien Lecornu, plusieurs ministres ont mis en garde les députés susceptibles de voter la censure contre la tentation de sacrifier l’intérêt national aux jeux politiciens. La suppression des crédits en matière de santé publique, notamment pour ce qui concerne les Ehpad, les hôpitaux et les soins palliatifs, fait partie de l’argumentaire. De même que les déclarations du président de la FNSEA expliquant que pour mettre en oeuvre les aides prévues pour les agriculteurs, il faut un budget. Le risque d’affaiblissement du pays a été mis en lumière par la plupart des ministres faisant chorus avec le Premier d’entre eux, lesquels s’attirent le reproche de se complaire dans le catastrophisme et Mais le plus douloureux, pour Michel Barnier, aura sans doute été de constater que des décisions très difficiles – et même de larges concessions tardives – peuvent finir par ne servir à rien : ni à faire des économies ni à obtenir un minimum de consensus au Parlement.
François Domec.