Devinette à propos de dissolution. En quelle année sommes-nous ? En 1958, à la veille d’un changement de République ? En 1962, quand Pompidou est conforté par les élections provoquées par une motion de censure auto-destructrice des députés ? En 1968, avec des gaullistes plébiscités par des électeurs épouvantés par les gauchistes ? En 1981 et1988, quand un président élu et réélu voulait des majorités à sa main ? En 1997, quand l’Elysée cherchait à relégitimer par le suffrage universel un Alain Juppé devenu impopulaire ? Cette année-là, selon le trait d’esprit du regretté Patrick Devedjian, « Il y avait une fuite de gaz et Jacques Chirac a craqué une allumette pour voir d’où elle venait ». La manoeuvre consista à donner les clefs du Palais-Bourbon et de l’hôtel Matignon à la « gauche plurielle » de Lionel Jospin. Pour cinq ans. Autrement dit, il vaudrait mieux pour Emmanuel Macron que 2024 ne ressemble pas à 1997…
La dissolution est un arbre qui ne se juge qu’à ses fruits. Il est donc encore tôt pour savoir à quel résultat va aboutir le pari fou du dimanche soir des européennes. La rationalité et la vie publique ne font que rarement bon ménage, surtout à l’échelon du pouvoir présidentiel, très personnel et donc psychologique et intuitif. Notre jeune chef de l’Etat a-t-il été pris de panique à l’idée que le sujet numéro un n’allait plus être, chez les acteurs et commentateurs, que celui de « l’après-Macron » ou bien a-t-il conçu, par une sorte de fulgurance, une martingale lui permettant de finir son deuxième et dernier mandat en gardant quelque possibilité d’action ? Il ne faudra guère attendre pour vérifier l’une ou l’autre hypothèse. Le 7 juillet, au soir du deuxième tour de ces législatives très anticipées, nous serons fixés. Mais d’ici là, quel tohu-bohu prévisible ! Nous allons tout voir. Le retour des tentatives de Front républicain, le fantôme de l’union des droites, les acrobaties des sortants LR et PS cherchant à sauver ce qui peut l’être et le bal des ambitieux qui, inévitablement, vont se rapprocher des favoris des sondages. Il y aura sans doute presque autant de péripéties – y compris le feuilleton des triangulaires entre les deux tours – qu’il y a de circonscriptions en France
Deux aspects importants n’ont été que peu soulignés lors de la soirée électorale. L’un tient à la mécanique propre au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Il s’agit d’un filtre démocratique qui n’a pas les inconvénients d’une proportionnelle à trente-huit listes. L’extrême-droite française, jusqu’aux législatives consécutives à la dernière présidentielle, a longtemps rencontré, par manque de candidats crédibles et de culture des alliances, des difficultés avec ce type d’élection. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? L’autre interrogation trop peu évoquée porte sur les conséquences de l’impossibilité, pour le président de la République, de se présenter à l’élection présidentielle de 2027. Cette règle d’airain pèse très lourd sur notre vie politique. Elle revient à rogner les ailes de l’homme qui est censé entrainer l’ensemble de nos institutions représentatives.