Accueillir des réfugiés ? Pas de problème. Mais donnez-nous les moyens. C’est en substance ce que les maires des grandes villes de France, sous la houlette de Jean-Luc Moudence, l’édile de Toulouse, s’apprêtent à dire à Bernard Cazeneuve, et à travers lui le gouvernement. La publication de la photo du petit Aylan Kurdi, un réfugié syrien de 3 ans dont le destin s’est échoué sur une plage turque, a agi comme un « électrochoc », estime le maire de Besançon, Jean-Louis Fousseret. Elle a ouvert le débat sur ce que l’on appelle désormais « la crise des migrants ». Mais si la France, comme d’autres pays européens, s’est dite prête à accueillir son lot de réfugiés, avec dans le cas de l’Hexagone, 24.000 migrants qui doivent s’y installer chez nous d’ici deux ans, force est de constater que sur place, les moyens manquent. D’autant plus que la France doit « soulager » l’Allemagne d’environ un millier de réfugiés. Et les maires de se rebiffer et de demander plus de moyens à l’Etat, lequel a déjà drastiquement diminué ses dotations, amputant de près d’un tiers le budget de fonctionnement de certaines communes. Qui va accueillir les nouveaux réfugiés ? s’inquiète Jean-Luc Moudenc, qui demande que le volontariat des maires soit respecté et rappelle la grande diversité des situations d’une ville à l’autre.
Car sa commune, la ville rose, partage avec Montpellier la particularité d’être en pleine explosion démographique. Avec une population en pleine expansion, et une pression conséquente sur l’habitat, comment pourrait-elle accueillir des réfugiés quand elle peine déjà à accéder à la demande des quelque 25 000 personnes en attente d’un logement social ? Comme le reconnaît lui-même le maire, il y a à l’heure actuelle « zéro place » et peut-être une trentaine l’an prochain. Bien peu, donc quand on pense qu’en juin dernier, le gouvernement avait dévoilé la première partie d’un « plan migrants » qui prévoyait la création de 11000 places dans les Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). Une situation tout aussi précaire : un demandeur d’asile ne reste jamais plus de deux mois dans un CADA et doit ensuite basculer vers un logement social, lesquels font cruellement défaut en France. Autre région, autre problème. En Franche-Comté, on se félicite de cet afflux de réfugiés qui devrait être supporté par les grandes villes mais aussi et surtout par les communes périphériques et pourrait soulager une région frappée par la désertification… « Ce n’est pas la première fois que nous faisons face à une crise de cette ampleur, estime Jean-Louis Fousseret, qui rappelle l’épisode des « boat people » à la fin des années 1970, des réfugiés arrivés eux aussi par bateau et qu’il avait fallu également insérer et éduquer.
Pas de clivage partisan dans cette déclaration commune des édiles de communes de plus de 100 000 habitants, où sont représentés aussi bien des villes de droite (Toulouse, Nancy, Angers) que de gauche (Strasbourg, Paris, Rennes). Les élus sont par ailleurs prêts à accueillir des migrants et ce quelle que soit leur religion, souffle le maire de Besançon. Une allusion à peine voilée aux maires des communes de Roanne Belfort et Charvieu-Chavagneux – mairie FN dans l’Isère – qui ont clairement manifesté leur volonté de se cantonner aux chrétiens. Si tous les maires se félicitent du grand élan de solidarité de leurs concitoyens, ils sont bien conscients de ne pouvoir en supporter seul la charge.
« J’espère que le drame dont nous avons été témoins va accélérer les choses », déclare le maire (PS) du Mans, Jean-Claude Boulard, en allusion à la mort du petit Aylan. « Il y a plus de sensibilités aujourd’hui qu’il y a trois mois » sur ces questions, se félicite l’élu qui déplore quand même que la situation de 35 chrétiens syriens soit toujours au point mort dans sa ville depuis bientôt six mois. Regrettable quand on pense que la ville accueille une petite communauté de médecins syriens et libanais disposés à les aider et qu’une dizaine de familles mancelles s’étaient dit prêtes à accueillir ces réfugiés. « Bernard Cazeneuve a dit que l’Etat assumerait ses responsabilités, assure Jean-Luc Moudenc. Mais j’attends qu’il nous dise vers quelles villes il va orienter les réfugiés, qui va supporter ce poids ». Le 12, espèrent les édiles, Bernard Cazeneuve doit leur annoncer les mesures concrètes pour accueillir les migrants. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.