Jusqu’au 12 novembre 2017, le musée du quai Branly – Jacques Chirac accueille l’exposition « L’Afrique des routes ». L’histoire du continent y est détaillée, mettant en avant un espace carrefour où hommes, objets et idées circulent depuis des millénaires.
L’Afrique : un continent sans histoire ?
Décrite par Stéphane Martin, président du musée, comme « une entreprise d’intelligibilité et de vérité », la nouvelle exposition du quai Branly a pour objectif d’aller à l’encontre du préjugé selon lequel l’Afrique serait un continent sans histoire. Catherine Coquery-Vidrovitch, commissaire associée, parle même d’une véritable « bataille » contre les idées reçues. Si les objets occupent une place prépondérante, c’est parce qu’ils sont, selon la commissaire Gaëlle Beaujean, « des preuves, des indices de cette histoire ».
L’exposition évoque les routes terrestres, fluviales et maritimes par lesquelles sont passés les hommes, les marchandises et les idées depuis le Vème millénaire avant notre ère. Ce panorama des circulations permet de peindre, pour reprendre les mots de Stéphane Martin, « le portrait d’un continent au cœur de l’histoire ».
L’Afrique est le berceau de l’humanité : c’est au sud du Sahara, au niveau du Tchad actuel, que serait apparu l’être humain, entre 200 000 et 150 000 avant notre ère. Depuis, les cultures et les peuples africains ont circulé, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du continent, de manière constante. C’était d’ailleurs l’un des objectifs de la colonisation que de stabiliser ces déplacements. Dès le Ier siècle, les Asiatiques voyagent et commercent en Afrique, longtemps avant les Européens ne fassent de même, à partir du XVIème siècle. En effet, bien que « l’Afrique ait toujours été en contact avec le reste du monde », « les Européens sont les derniers à avoir découvert ce continent », rappelle Catherine Coquery-Vidrovitch.
Même si quelques œuvres artistiques exposées émouvront les spectateurs par leur beauté et leur sincérité, l’exposition est avant tout une « claque historique ». Riche de près de 300 objets, elle se présente comme une mine d’informations aussi surprenantes qu’authentiques qui remettront les idées en place à quiconque douterait de l’extraordinaire passé du continent. Pari réussi.
Un parcours thématique de l’exposition
L’exposition suit une approche thématique afin d’aborder tous les types de routes, au sens littéral et figuré, qui ont composé les circulations africaines. Panorama et explication de ces différents thèmes.
1. Les routes et moyens de transports
Les Africains maîtrisent, dès 3 500 avant notre ère, le portage animal (cheval puis dromadaire), notamment pour le commerce. Les déplacements se font aussi sur les fleuves, lagunes et lacs, ainsi que sur les mers, qui sont des passerelles entre les continents. L’astronome et géographe grec Ptolémée a dessiné les premières mappemondes, dont l’objectif était de donner un aperçu du monde habité connu. Si le nord de l’Afrique est représenté à travers quelques contours réalistes, le reste demeure imaginaire jusqu’au XVIème siècle.
2. Les villes, jalons de route
Les villes sont des points de repère ou d’étape, notamment dans le commerce local, régional et international. Chaque ville a eu, dans l’histoire, sa spécificité : Tombouctou et la pénétration de l’Islam, les forts côtiers et la traite négrière, Dakar et la conquête coloniale, etc.
3. Les routes commerciales
Les échanges commerciaux entre l’Afrique et le reste du monde existent depuis des millénaires. Le sel, très peu présent en Afrique, était troqué contre de l’or ou du fer. Les perles ont alimenté les circulations depuis l’Antiquité entre l’Afrique, Venise et la Bohême. L’ivoire, le cuivre et les esclaves étaient également des ressources d’exportation, qui transitaient aussi bien vers l’Europe que vers la Chine et l’Inde, par l’Océan Indien. De ces deux derniers pays étaient importées de la soie et de la porcelaine. Les Pays-Bas ont créé l’industrie du wax, qu’ils exportaient vers l’Afrique jusqu’à l’arrivée du wax chinois. Les connaissances médicinales africaines ont contribué à l’avancée pharmacologique à échelle mondiale.
4. Les routes spirituelles et religieuses
Entre les « religions du terroir » et les monothéismes qui s’installent à partir du XIXème siècle, l’Afrique a connu de nombreuses circulations spirituelles. De plus, les cultes africains-américains doivent leur existence aux esclaves déportés entre les XVIème et XIXème siècles. Bien que forcés de se convertir au christianisme, ils ont apporté certaines croyances, notamment en Haïti et au Brésil.
5. Les routes esthétiques
Certaines œuvres (poteaux funéraires, masques, arts du métal…) ont une histoire liée à des routes migratoires, linguistiques ou technologiques. Par exemple, les poteaux funéraires sont le fruit d’une rencontre entre les cultures d’Afrique orientale et certaines cultures de l’Océan Indien.
6. Les routes coloniales
Les relations coloniales entre l’Afrique et L’Europe ont entraîné l’exportation de matières premières comme l’or, le cuivre, le fer, les diamants, le charbon, le pétrole ou l’uranium, dont l’Afrique est riche. Des infrastructures ont alors été créées pour extraire ces ressources, généralement liées au travail forcé. De nombreux objets africains ont également été acquis par les Européens, pour rejoindre des collections privées, des expositions, des musées ou le marché de l’art. Leur mode d’acquisition – butins de guerre, confiscations, achats, dons ou commandes – a souvent laissé inconnu le nom de l’artiste. Au début du XXème siècle, certains artistes européens d’avant-garde, comme Picasso, voient ce qu’ils appellent « l’art nègre » autant comme une source d’inspiration que comme un art qui leur est proche.
7. La nation des artistes
Cette dernière partie de l’exposition donne à voir les communications et les échanges qui ont eu lieu entre les artistes africains et occidentaux. Emprunt des techniques, inspiration des thèmes, puisement dans les imaginaires : ces circulations rappellent que les artistes, aussi singuliers soient-ils, appartiennent à une même nation et s’expriment dans un langage commun.
« L’Afrique des routes »
Du 31 janvier au 12 novembre 2017
Musée du quai Branly
Mezzanine ouest
Entrée gratuite pour les moins de 26 ans
Plus d’informations sur www.quaibranly.fr
Image en Une : Zanzibar, fin du XIXème siècle (album) © Musée du quai Branly – Jacques Chirac.